la vie politique municipale
à Saint-Vert au XIXème siècle

Frédéric CHALLET




Cette étude s'appuie sur le dépouillement des registres des délibérations des conseils municipaux de Saint-Vert. Trois registres sont conservés aux archives départementales de la Haute-Loire. Le premier registre couvre la période 1827-1837 (cote E dépôt 288-1), le deuxième la période 1838-1855 (cote E dépôt 288-2) et le troisième la période 1855-1885 (cote E dépôt 288-3). Ces registres contiennent, outre les délibérations proprement dites, les procès-verbaux des élections municipales, les nominations des maires et des adjoints, les procès-verbaux d'installation des conseillers municipaux, ainsi que des adresses au gouvernement.
Les archives préfectorales, conservées aux archives départementales de la Haute-Loire, apportent d’utiles compléments. Elles se composent pour Saint-Vert de documents relatifs à la nomination des maires et des adjoints (cote 2 M 257), de listes de contribuables les plus imposés (cote 3 M 240), mais aussi de professions de foi et de résultats électoraux (cote 3 M 658).

la Restauration

Sous la Restauration, le maire, l'adjoint et les conseillers municipaux sont nommés par le préfet. L'entrée en charge donne lieu à une cérémonie d'installation. Le 28 février 1827, le préfet de la Haute-Loire nomme trois nouveaux conseillers municipaux à Saint-Vert : Armand Mestre de Chalus, Vital Mestre de Saint-Vert et Antoine Saugue des Mazeaux. Dans une lettre en date du 8 mars, le sous-préfet demande au maire de Saint-Vert, Philippe Freydefont, de procéder à leur installation. Le dimanche suivant, le maire lit publiquement la lettre du sous-préfet à l'issue de la grand messe et convoque le conseil municipal à la mairie le jeudi 15 mars à dix heures du matin. Le jour dit, le maire donne lecture des actes de nomination des trois nouveaux conseillers et ceux-ci prêtent entre les mains du maire le serment suivant : Je jure fidélité au Roi, obéissance à la Charte constitutionnelle et aux lois du royaume. Le maire remet alors à chacun son acte de nomination et les proclame membres du conseil municipal. Le 22 avril 1829, suite au décès d'un conseiller - Gilles Courtine - le préfet nomme, sur la présentation [du] sous-préfet de Brioude, Antoine Courtine pour le remplacer. Ce dernier habite le village du Fiou, il est cultivateur. Le dimanche 10 mai, à l'issue de la messe paroissiale, le maire invit[e] les membres du conseil municipal et autres habitants de la commune à se réunir à la mairie à quinze heures afin de procéder à son installation. A l'heure dite, le maire donne lecture de l'acte de nomination du nouveau conseiller et celui-ci prête serment. Le maire lui remet alors son diplôme, c'est-à-dire son acte de nomination après l'avoir transcrit sur le registre des délibérations. La lecture à haute voix de l'acte de nomination, la prestation de serment et la proclamation finale donnent à la cérémonie un caractère très solennel. C'est une mise en possession : l'impétrant est investi d'une part d'autorité publique.
En 1829, Philippe Freydefont est maire de Saint-Vert, Guillaume Mestre est adjoint. Le conseil municipal se compose de Jean Delale de Saint-Vert, Vital Mazal des Mazeaux, Vital Mestre de la Faye, Jean Dégeorge de Chalus, Jean Héritier de Pot, Michel Cladière de la Roche, Vital Mestre de Saint-Vert, Armand Mestre de Chalus, Antoine Saugue des Mazeaux et Antoine Courtine du Fiou.

la révolution de 1830

Les élections législatives de juin-juillet 1830 donnent une majorité renforcée à l'opposition libérale à la Chambre. Plutôt que d'accepter une cohabitation et l'instauration d'une monarchie de type parlementaire, Charles X tente l'épreuve de force. Par ordonnances, il suspend la liberté de la presse, dissout la Chambre, modifie le calcul du cens pour diminuer le nombre d'électeurs. C'est un coup d'Etat.
La révolution de 1830, appelée également les Trois Glorieuses (27, 28 et 29 juillet), est une réaction aux ordonnances. Paris est en état d'insurrection : des barricades sont dressées, on échange des coups de feu, on chante la Marseillaise. Le drapeau tricolore est hissé sur les tours de Notre-Dame. Le 28 juillet, l'Hôtel de Ville est conquis après des combats acharnés qui font des centaines de morts et des milliers de blessés.

Eugène Delacroix, Le 28 Juillet : La Liberté guidant le peuple

Le 29 juillet, les insurgés prennent le contrôle du Louvre et des Tuileries. Les députés proposent la lieutenance-générale du royaume au duc d'Orléans, qui l'accepte. Le 2 août, Charles X abdique. Le 9 août, le duc d'Orléans est intronisé au Palais-Bourbon sous le nom de Louis-Philippe Ier, roi des Français, après avoir prêté serment de fidélité à la Charte modifiée. Ainsi débute la Monarchie de Juillet.

La révolution de 1830 suscite un grand élan d'enthousiasme dans le pays. On ressort le drapeau tricolore, on plante des arbres de la liberté. A Saint-Vert, le changement de régime donne lieu à une petite cérémonie le 11 août :

L'an mil huit cent trente et le onze du mois d'août à sept heures du matin, nous Philippe Freydefont, maire de la commune de Saint-Vert, pour nous conformer à la lettre de monsieur le sous-préfet de Brioude datée du cinq du présent mois, que nous avons reçu le dix dudit, qui nous fait un devoir de reconnaître l'autorité de monseigneur le duc d'Orléans comme lieutenant-général du royaume, et pour marquer notre soumission à son autorité, nous avons dessuite réunis autant qu'il nous a été possible le plus grand nombre des membres du conseil municipal, et à leur tête, accompagné de plusieurs autres bons citoyens, avons arboré le drapeau tricolore que nous avons placé sur le clocher de la paroisse. Le bon ordre et la tranquilité ont régné pendant cette solennité si mémorable et si glorieuse pour les Français. Après quoi avons tous crié : “ Vive le duc d'Orléans ” et en avons dressé le présent procès-verbal qui a été signé par tous ceux qui ont sçu le faire.

Le maire, plusieurs conseillers municipaux et quelques habitants participent à la cérémonie prescrite par l'administration préfectorale. Pour manifester leur adhésion au nouveau régime, ils installent un drapeau tricolore sur le clocher de l'église de Saint-Vert. Le drapeau tricolore, symbole de la Révolution de 1789, vient d'être rétabli par le duc d'Orléans. Le cri unanime qui clôt la cérémonie rappelle l'acclamation des rois au moment du sacre.
Louis-Philippe (1773-1850) est le fils de Philippe-Egalité qui a voté la mort de son cousin Louis XVI en 1793. Comme son père, il a été un partisan fervent des idées révolutionnaires. Membre du Club des jacobins, il a servi dans les armées révolutionnaires. Roi des Français de 1830 à 1848, il affecte d'être un roi-citoyen. L'orléanisme se veut centriste, à mi-chemin entre un passé révolu incarné par le légitimisme et une utopie jugée sanguinaire, la république.
La révolution de 1830 s'accompagne d'une épuration massive. Le nouveau régime craint de ne pouvoir compter sur le dévouement d'hommes liés à la Restauration. Ainsi, 82 préfets sur 86 sont destitués et 244 sous-préfets sur 277. François Guizot, nommé ministre de l'Intérieur, envoie des commissaires dans les départements. Ils reçoivent l'ordre de remplacer provisoirement tous les maires. Le vendredi 24 septembre 1830, à la demande du préfet, le maire de Saint-Vert, Philippe Freydefont, réunit le conseil municipal afin de prêter serment au nouveau régime. Chacun à leur tour, le maire, puis les sept conseillers présents, à commencer par le plus âgé, Michel Cladière, lèvent la main et jur[ent] fidélité au roi des Français, obéissance à la Charte constitutionelle et aux lois du royaume. On le voit, la formule du serment est légèrement modifiée : le roi (de France) devient le roi des Français car c'est du peuple que Louis-Philippe entend tenir sa couronne. Peu de temps après avoir prêté serment, Philippe Freydefont est remplacé par Robert Saugue à la mairie. Et Guillaume Mestre est remplacé par Vital Mestre comme adjoint.

la Monarchie de Juillet

La loi sur l'organisation municipale du 21 mars 1831 transforme profondément la vie politique communale : les conseillers municipaux sont désormais élus (art. 10). Pour voter aux élections municipales, il faut être âgé d'au moins 21 ans et faire partie des contribuables les plus imposés aux rôles des contributions directes de la commune (art. 11, § 1). Pour les communes de 1000 habitants et moins, comme Saint-Vert, le nombre d'électeurs est égal au dixième de la population de la commune (art. 11, § 2). La liste des électeurs est dressée par le maire, assisté du percepteur et des commissaires répartiteurs (art. 32, § 1), et mise à jour, chaque année, entre le 1er janvier et le 31 mars (art. 40). Les contribuables sont inscrits par ordre décroissant en fonction du montant de leur imposition (art. 32, § 2). La liste est affichée (art. 33).
Les communes comme Saint-Vert qui comptent entre 500 et 1500 habitants doivent élire douze conseillers municipaux (art. 9). Les conseillers municipaux sont choisis parmi les électeurs communaux (art. 15), ils doivent être âgés d'au moins 25 ans (art. 17, § 1). Ils sont élus pour six ans (art. 17, § 1). Les premières élections municipales ont lieu en novembre 1831. Voici le procès-verbal de ces élections à Saint-Vert :

Aujourd'hui 27 novembre 1831, à 11 heures du matin, en vertu de la loi du 21 mars 1831 et des dispositions de l'arrêté de monsieur le préfet en date du 14 novembre 1831, s'est rendu au chef-lieu de la commune de Saint-Vert, dans le local (disposé) à cet effet, monsieur Saugue Robert, maire de ladite commune, qui en sa qualité de maire est appellé à présider l'assemblée des électeurs communaux, dont un certain nombre se sont déjà trouvés réunis dans ledit local.
Ayant pris place au bureau, monsieur le présidant a déclaré la séance ouverte et il a donné lecture des articles 9, 10, 11, 15, 16, 17, 18, 20, 41 à 52 de la loi du 21 mars dernier. Il a ensuite appellé pour faire fonction de scrutateurs, les deux électeurs présents les plus âgés, savoir monsieur Cladière Michel qui nous a dit être âgé de 70 ans, monsieur Delale Jean qui a dit être âgé de 63 ans. Il a ensuite appellé les deux plus jeunes électeurs présents, savoir monsieur Bard Antoine, qui a déclaré être né le 25 ventose an II, et monsieur Bard Barthélemy qui a dit être né le 8 … (1791).
Messieurs les président et scrutateurs ayant, immédiatement après, délibéré sur le choix d'un secrétaire leurs suffrages se sont réunis sur le sieur Veyrière Pierre, électeur communal présent. Celui-ci ayant pris place (au) bureau, monsieur le président a prévenu l'assemblée qu'elle avait à élire douze conseillers municipaux, en leur (faisant) remarquer que sur le nombre l'autorité supérieure choisirait le maire et l'adjoint ; il lui a de nouveau expliqué quelles étaient aux termes des articles de la loi dont il a été déjà donné lecture les conditions d'éligibilité et les cas d'empêchement ou d'incompatibilité ; et déclarant le scrutin ouvert il a fait faire l'apel des électeurs qui a commencé à midi.
Chacun de ceux qui ont répondu à l'appel est venu successivement remettre son billet au président qui en le recevant a requis de l'électeur votant le serment prescrit par la loi, lequel a été prêté en ces termes : « Je jure fidélité au roi des Français, obéissance à la Charte constitutionnelle et aux lois du royaume ». Les billets ont été déposés dans la boîte par le président au (fur) et à mesure qu'il les recevait de chaque électeur. En même temps qu'un électeur ayant répondu à l'appel déposait son (bulletin), le secrétaire apposait sa signature ou son paraphe en regard du nom du votant sur la liste d'inscription.
L'appel étant fini, on a procédé au réappel et le président a continué de recevoir les votes comme il est dit ci-dessus. Le scrutin étant resté ouvert pendant trois heures au moins, le président a déclaré qu'il était déjà l'heure de trois, trente-cinq minutes et que conséquament le (vœu) de la loi était acompli, que personne ne se présentant plus pour voter il annonçoit le scrutin clos.
Il a fait alors constater, d'après la feuille d'inscription, quel était le nombre de votans ; il s'est trouvé être de quarante-neuf. Il a ensuite ouvert la (boîte) du scrutin et a compté le nombre des bulletins ; il s'est trouvé être de quarante-neuf, nombre égal à celui des votans conformément à la liste d'inscription.
Ce fait reconnu, on a procédé au dépouillement du contenu des (bulletins). Un des scrutateurs les a ouverts, les a remis successivement au président qui en a fait lecture à haute voix et les a fait passer à un autre scrutateur. Deux scrutateurs et le secrétaire ont tenu acte du dépouillement du scrutin sous la dictée du président. Leurs relevés ayant été comparés, il se sont trouvés d'accord
[…].
Lesdits sieurs Cladière Michel, Saugue Robert, Delale Jean, Mestre Vital de Saint-Vert, Mestre Guillaume, Mestre Vital de la Faye, Courtine Antoine, Bard Antoine, Héritier Jean, Mestre Jean-Benoît, Fayet Antoine et Ricoux Joseph ayant obtenu la majorité absolue des suffrages, monsieur le président les a proclamés conseillers municipaux de la commune de Saint-Vert.
[…]

Le 27 novembre 1831 est un dimanche. L'assemblée des électeurs de la commune est réunie à onze heures. Le scrutin se déroule à Saint-Vert dans un local qui est peut-être la mairie. On pratique la technique de l'appel et du réappel. Chaque électeur attend d'être appelé nommément, il se détache alors du groupe, prête serment, puis remet son bulletin au maire qui le dépose dans la boîte (le mot urne n'est pas employé ici) : la procédure est assez solennelle. Le scrutin reste ouvert pendant trois heures et trente-cinq minutes. Il y a 49 votants.
Tout est mis en œuvre pour empêcher les fraudes et les contestations. Les scrutateurs sont désignés de façon aléatoire : ce sont les deux plus âgés et les deux plus jeunes électeurs présents à l'ouverture des opérations sachant lire et écrire (art. 44, § 7 et art. 45, § 2). Après la clôture du scrutin, on compare le nombre de votants et le nombre de bulletins. Au moment du dépouillement, chaque bulletin est lu à haute voix par le maire et contrôlé par deux scrutateurs. Une fois le dépouillement terminé, les relevés sont comparés.
Les élections municipales se font au scrutin de liste (art. 49, § 1), mais le décompte des voix est individuel. Avec 49 votants et des listes de 12 noms, cela donne un total de 588 voix à distribuer. Il n'y a aucun bulletin blanc ou nul. Seules 6 voix sur 588 sont perdues. On note une grande dispersion des suffrages, qui se répartissent entre 36 personnes. Mais 14 sont créditées de seulement 1, 2 ou 3 voix. Ce qui permet à 12 candidats d'obtenir la majorité absolue (au moins 25 voix) et donc d'être élus dès le premier tour de scrutin. Si un deuxième tour avait été nécessaire, il aurait pu être organisé le jour même (art. 49, § 2). Parmi les nouveaux élus, 8 ont obtenu des scores très élevés : entre 38 et 47 voix sur 49 votants. Le maire et l'adjoint désignés, l'année précédente, par le nouveau régime sont élus à la quasi-unanimité : Robert Saugue obtient 46 voix et Vital Mestre 43 voix.
Le procès-verbal de l'élection est envoyé au préfet, qui contrôle si le déroulement du scrutin a été conforme à la loi (art. 51). Quelques semaines après les élections, les conseillers municipaux sont installés dans leurs fonctions. A Saint-Vert, l'installation des conseillers municipaux élus le 27 novembre 1831 a lieu le dimanche 8 janvier 1832, à dix heures du matin, dans la salle de la mairie. Le procès-verbal indique l'âge, la profession et le domicile de chaque conseiller. Michel Cladière a 70 ans, il est propriétaire et meunier, il habite à la Roche. Robert Saugue a 43 ans, il est propriétaire, mais aussi expert et géomètre de 1ère classe du cadastre, il habite aux Mazeaux. Jean Delale a 63 ans, il est propriétaire et habite dans le bourg de Saint-Vert. Vital Mestre a 50 ans, il est propriétaire et meunier, il habite lui aussi dans le bourg de Saint-Vert. Son homonyme, Vital Mestre, a 44 ans, est propriétaire et habite à la Faye. Guillaume Mestre a 70 ans, il est propriétaire et habite aux Combes. Antoine Courtine a 36 ans, il est cultivateur et habite au Fiou. Antoine Bard a 37 ans, il est cultivateur et habite à Chalus. Jean Héritier a 70 ans, il est cultivateur et habite à Pot. Jean-Benoît Mestre est cultivateur, il habite à Salcrut. Antoine Fayet a 36 ans, il est cultivateur et habite à Peymian. Joseph Ricoux a 44 ans, il est cultivateur et habite à la Font de Faux. La moyenne d'âge des conseillers est d'une cinquantaine d'années. Ils viennent de onze villages ou hameaux différents, ce qui garantit une bonne représentativité géographique du territoire communal. A tour de rôle, chaque conseiller prête le serment prescrit par la loi : Je jure fidélité au roi des Français, obéissance à la Charte constitutionnelle et aux lois du royaume. Puis ils signent le procès-verbal d'installation, sauf Jean Héritier, Vital Mestre (de la Faye) et Joseph Ricoux qui ne savent pas écrire leur nom.

Le maire et l'adjoint des communes de moins de 3000 habitants sont nommés par le préfet au nom du roi. Ils sont obligatoirement choisis parmi les membres du conseil municipal (loi du 21 mars 1831, art. 3). Ils doivent être âgés d'au moins 25 ans et résider dans la commune, ils sont nommés pour trois ans (art. 4). Le 7 février 1832, le préfet de la Haute-Loire nomme Robert Saugue maire de Saint-Vert et Vital Mestre adjoint. Le mardi 10 avril, le maire du chef-lieu de canton (Auzon), François Bardy, commis par le préfet, se rend à Saint-Vert, dans le lieu ordinaire des séances de la mairie, afin de procéder à leur installation. Devant les membres du conseil municipal, Robert Saugue et Vital Mestre prêtent serment.

Le conseil municipal se réunit quatre fois par an en sessions ordinaires : au commencement des mois de février, mai, août et novembre. Chaque session peut durer dix jours (art. 23). Le préfet ou le sous-préfet peut prescrire la convocation extraordinaire du conseil municipal, ou l'autoris[er] sur la demande du maire, toutes les fois que les intérêts de la commune l'exigent (art. 24, § 1). Le maire préside le conseil municipal. Les fonctions de secrétaire sont remplies par un des membres du conseil municipal, élu au début de chaque session (art. 24, § 5). Le conseil municipal ne peut délibérer que lorsque la majorité des membres en exercice assiste au conseil (art. 25, § 1). Tout citoyen contribuable de la commune a le droit de demander que lui soient communiquées les délibérations du conseil municipal (art. 25, § 2).

Le conseil municipal est renouvelé par moitié tous les trois ans (art. 17, § 2). A titre transitoire, pour les élections municipales de 1834, le sort désigne les conseillers sortants (art. 53, § 2). Le 16 novembre 1834, à dix heures du matin, à la mairie de Saint-Vert, le maire procède au tirage au sort des cinq conseillers municipaux devant quitter le conseil (cinq et non six car un conseiller, Jean Delale, est décédé). Il écrit les noms et prénoms des onze membres [du conseil] sur des billets disposés à cette effet qu'[il met] dans une hurne et [invite] Cladière Michel, membre du conseil, à tirer lesdits billets jusqu'au nombre de cinq. Sont ainsi désignés par le sort Guillaume Mestre, Antoine Bard, Robert Saugue (le maire), Jean-Benoît Mestre et Vital Mestre (de la Faye).
Les élections municipales ont lieu le dimanche 23 novembre 1834. Il s'agit d'élire six nouveaux conseillers municipaux. Le maire, président de l'assemblée des électeurs communaux, appelle comme scrutateurs, parmi les électeurs présents, les deux plus âgés, à savoir Guillaume Mestre (70 ans) et Jean Totel (54 ans), et les deux plus jeunes, à savoir Antoine Bard (40 ans) et Antoine Courtine (39 ans). Le maire et les scrutateurs choisissent comme secrétaire Guillaume Challet. L'appel des électeurs commence à 9 h 30. Un à un, chaque électeur présent vient remettre son billet au maire et prête serment de fidélité au roi, à la Charte et aux lois du royaume. Le maire dépose au fur et à mesure les billets dans la boîte et un scrutateur appos[e] sa signature en regard du nom du votant sur la liste d'inscription. Une fois l'appel fini, le maire procède au réappel et continue à recevoir les votes. Au bout de quelques heures, personne ne se présentant plus pour voter, il annonce que le scrutin est clos. On constate alors que le nombre de bulletins dans la boîte (45) ne correspond pas au nombre de signatures (44) portées sur la liste des électeurs. On recompte les bulletins, mais c'est le scrutateur qui a oublié une signature. Le scrutin est déclaré valide. Par rapport aux élections municipales de 1831, le nombre de votants est légèrement inférieur : 45 contre 49. Un des scrutateurs ouvre les bulletins, les remet un à un au maire qui en fait lecture à haute voix et les fait passer à un autre scrutateur. Le secrétaire et deux scrutateurs notent les voix obtenues sous la dictée du président, puis leurs relevés sont comparés. Le résultat du scrutin est ensuite annoncé. Avec 45 votants et des listes de 6 noms, cela donne un total de 270 voix à distribuer. Non seulement il n'y a aucun bulletin blanc ou nul, mais aucune voix n'est perdue. Les cinq conseillers sortants - Guillaume Mestre, Robert Saugue, Antoine Bard, Vital Mestre et Jean-Benoît Mestre - sont largement réélus. Antoine Delale, un habitant du bourg de Saint-Vert, fait son entrée au conseil. Tous sont proclamés conseillers municipaux de la commune de Saint-Vert.

noms et prénoms nombre de voix obtenues
  Mestre Guillaume, des Combes 44
  Saugue Robert, des Mazeaux 43
  Bard Antoine, de Chalus 42
  Mestre Vital, de la Faye 41
  Mestre Jean-Benoît, de Salcrut 41
  Delale Antoine, de Saint-Vert 25
  Chalet Guillaume, de Saint-Vert 17
  Garde Jean 4
  Delale 4
  (Vigier) Jean 2
  Dégeorge Claude 2
  Bonnemain Joseph 1
  Lassagne Claude 1
  Coupas Jean 1
  Courtine Antoine 1
  Dégeorge Vital 1

Malgré sa popularité - il a obtenu 43 voix sur 45 votants - Robert Saugue n'est pas maintenu à la mairie. Le 31 décembre 1834, le préfet de la Haute-Loire nomme Vital Mestre maire de Saint-Vert et Antoine Delale adjoint. Vital Mestre était l'adjoint de Robert Saugue. Il habite le bourg de Saint-Vert, il est l'un des plus gros propriétaires de la commune. Le dimanche 22 février 1835, le conseil municipal est réuni. Michel Cladière, membre le plus ancien du conseil, lit à haute voix les deux actes de nomination et reçoit le serment du nouveau maire et du nouvel adjoint. Au cours de la même séance, les conseillers élus le 23 novembre prêtent serment, à l'exception de Robert Saugue qui, se trouvant en voyage, n'a pas pus assister à la réunion. Simple coïncidence ou absence intentionnelle traduisant le désappointement du maire congédié ?

En 1837, la moitié du conseil municipal doit être renouvelée. Il n'y a pas de tirage au sort : ce sont les six conseillers en place depuis 1831 non désignés par le sort en 1834 qui sortent. Les élections municipales ont lieu le dimanche 28 mai 1837. Guillaume Mestre (73 ans), Antoine Verrière (62 ans), Antoine Delale (36 ans) et Vital Vernet (37 ans) sont désignés comme scrutateurs. Ils choisissent Antoine Courtine comme secrétaire. Le maire dépose sur le bureau la liste des électeurs de la commune. Il fait l'appel de tous les électeurs inscrits sur cette liste. Avant de voter, ils prêtent individuellement le serment requis. Puis, tous les électeurs n'ayant pas répondu au premier appel, il [est] fait un rappel [auquel] répond[ent] plusieur des mêmes votans et [d']autres. Enfin, les trois heures fixées par [la] loy étant expirés, le maire déclare que le scrutin est clos. D'une élection à l'autre, alors que la population de la commune est stable, le nombre de votants diminue : 49 électeurs étaient venus voter en 1831 et 45 en 1834 ; en 1837, il n'y a que 41 votants. On procède au dépouillement. Trois conseillers sortants - Antoine Fayet, Joseph Ricoux et Antoine Courtine - obtiennent la majorité absolue et sont donc réélus dès le premier tour. Philippe Freydefont, qui a été maire de Saint-Vert jusqu'en 1830, obtient 29 voix. Il est le mieux élu. En revanche, Vital Mestre, le maire sortant, est désavoué par ses concitoyens : seuls 15 électeurs sur 41 (moins d’un sur trois) ont voté pour lui.

noms et prénoms nombre de voix obtenues
  Freydefont Philippe, de Saint-Vert 29
  Fayet Antoine, de Peymian 28
  Ricoux Joseph, de la Font de Faux 25
  Courtine Antoine, du Fiou 24
  Lassagne Claude, de Pépouget 23
  Cladière Michel, de la Roche 21
  Mestre Vital, de Saint-Vert 15
  Garde Jean, de Peymian 11
  Jacob François, d’Osfond 10
  Mazal Pierre, de la Bégoniche 8
  Coupas Jean, des Macans 3
  Oléon André, de Ponjuille 2
  Greffier André, de la Font de Faux 2
  voix perdues 6

Cinq candidats ont obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés et sont donc élus ou réélus dès le premier tour. Afin d'élire le sixième conseiller, un deuxième tour de scrutin est organisé trois jours plus tard, le mercredi 31 mai. Le maire est assisté des mêmes scrutateurs et du même secrétaire que lors du premier tour. Le scrutin est ouvert à huit heures du matin. Le maire fait l'appel des électeurs, auquel répond[ent] 18 votans ; il procèd[e] ensuite à réapèle auquel répond[ent] les même votans. Une fois les trois heures légales écoulées, le scrutin est clos. 18 électeurs seulement ont voté : les électeurs des villages et hameaux éloignés n'ont sans doute pas voulu se déplacer un jour de semaine pour élire un seul conseiller. On procède au dépouillement. Vital Mestre, maire de Saint-Vert et conseiller sortant, est réélu avec 15 voix. Michel Cladière, de la Roche, n'obtient lui que 3 voix. Les électeurs n'ont pas voulu exclure le maire du conseil.
Le vendredi 28 juillet 1837, les six conseillers municipaux nouvellement élus sont installés. Robert Saugue, qui a été élu en 1834 et n'a jamais été installé, prête serment avec eux. Mais Philippe Freydefont affiche son désaccord : Mon seing fait seulement foi de ma prestation de serment pour mon instalation et proteste contre celle du sieur Saugue Robert ex-maire. On sait que Philippe Freydefont a été remplacé par Robert Saugue à la mairie au moment de la révolution de 1830. Peut-être lui en tient-il toujours rigueur.
Dans une lettre en date du 11 octobre 1837, le sous-préfet de Brioude suggère au préfet de la Haute-Loire de changer le maire, Vital Mestre, et l'adjoint, Antoine Delale, de la commune de Saint-Vert. Pour les remplacer, il propose de nommer Philippe Freydefont maire de Saint-Vert et Antoine Bard adjoint (Arch. dép. Hte-Loire, 2 M 257). L'expérience de Philippe Freydefont (il a été maire), son instruction (il écrit bien) et sa popularité (ses concitoyens l'ont largement élu) plaident en sa faveur. Mais le préfet, dans une lettre du 14 octobre, reproche au sous-préfet de ne pas [l'] informer des motifs pour lesquels il [lui] a paru convenable de ne pas maintenir dans leurs fonctions le maire et l'adjoint de Saint-Vert, cette omission le mettant dans la nécessité de différer à prendre l'arrêté portant nomination de ces fonctionnaires (Arch. dép. Hte-Loire, 2 M 257). Alors le sous-préfet s’explique :

Monsieur le préfet,

Monsieur Mestre, maire de Saint-Vert, joint à une grande incapacité un caractère peu conciliant qui le prive de l'influence nécessaire pour faire le bien
Il existe entre lui et le curé de sa commune une mésintelligence qui, dans un pays comme celui-ci, ne peut avoir que de fâcheux résultats.
Le candidat que je vous ai indiqué pour son remplacement a exercé pendant fort longtemps les fonctions de maire, à la satisfaction de l'administration supérieure et des habitans de la localité.
En proposant le changement du maire, j'ai dû vous désigner aussi un nouvel adjoint afin que ces deux fonctionnaires marchassent bien d'accord.
Du reste, pour peu que le remplacement des sieurs Mestre et Delale vous paraisse avoir quelque inconvénient, je verrai sans aucun déplaisir qu'ils soient continués dans leurs fonctions.
Cette lettre répond à la vôtre du 14 courant.
Agréez, je vous prie, monsieur le préfet, l'hommage de mon respect,

le sous-préfet

Vital Mestre n'est pas très populaire puisqu'il a été réélu conseiller municipal seulement au second tour de scrutin. Le sous-préfet le décrit comme un homme doté d' un caractère peu conciliant. Il souligne en outre son incapacité. Il n'y a pas de secrétaire de mairie à Saint-Vert : c'est le maire qui répond au sous-préfet, qui transcrit les procès-verbaux et les délibérations du conseil municipal dans le registre, qui rédige les actes de l'état civil. Il doit donc savoir écrire, posséder un minimum d'instruction. Or durant la période où Vital Mestre est maire, le registre des délibérations est mal tenu : les fautes d'orthographe, les erreurs grammaticales et l'absence de ponctuation rendent parfois les textes incompréhensibles. Quant à la mésentente entre le maire et le curé, elle nuit certainement à l'autorité du premier car la pratique religieuse est très forte.
Contre l'avis du sous-préfet, Vital Mestre est cependant maintenu maire de Saint-Vert par le préfet. Mais il se heurte à Philippe Freydefont, un temps pressenti pour lui succéder. En juillet 1838, le préfet de la Haute-Loire transmet au sous-préfet de Brioude une réclamation de Philippe Freydefont et Claude Lassagne par laquelle ils se plaignent de n'être jamais convoqués par le maire pour les réunions du conseil municipal [et affirment que] leur qualité de conseillers […] leur [est] contestée par le maire. Ils ont pourtant été mieux élus que celui-ci. Ils contre-attaquent en prétend[ant] ignorer si l'administration a [bien] nommé [le maire]. Ils font sans doute preuve de mauvaise foi, mais, de fait, aucun acte de nomination ni procès-verbal d'installation n'ont été consignés dans le registre des délibérations. Le préfet de la Haute-Loire invite le sous-préfet à prendre des mesures pour faire cesser la réclamation des sieurs Freydefont et Lassaigne, soit en leur rappelant qu'ils ne peuvent méconnaître le caractère officiel dont le sieur Mestre est revêtu, soit par [des] instructions à ce dernier afin qu'il ne s'écarte pas de l'obligation qui lui est imposée de convoquer, en cas de réunion, tous les membres du conseil municipal, sans aucune exception. Philippe Freydefont conteste la légitimité de Vital Mestre. Ancien maire, il lui est difficile de redevenir simple conseiller. D’autant qu’il convoite certainement la mairie.
De son côté, Vital Mestre est un maire intransigeant et assez peu soucieux des lois, comme le montre cette affaire qui l'oppose à l'un de ses administrés chez qui il envoie les gendarmes. Le 10 mai 1838, les gendarmes de Champagnac, agissant à la demande du maire de Saint-Vert, pénétr[ent] dans le domicile [de Barthélemy] Faure où [ils] saisi[ssent] après perquisition un fusil double, seule arme [qu'ils] trouv[ent]. Suite à cette perquisition, Barthélemy Faure adresse une réclamation à l'administration, il se plaint d'avoir été désarmé sur […] ordre [du maire] par la gendarmerie. Et l'administration donne tort au maire :

[…] Dans cette circonstance, monsieur le maire, vous avez commis un excès de pouvoir, un abus de fonctions. Aucune loi ne vous autorisait à faire désarmer le sieur Faure. Cette affaire aurait des suites fâcheuses pour vous si elle était poursuivie. Vous devez rendre immédiatement l'arme réclamée.
Si la conduite du sieur Faure donne lieu à des plaintes et vous est signalée à raison des délits dont il se rendrait coupable, il entre dans vos attributions, comme officier de police auxiliaire, et c'est pour vous un devoir, de dresser contre lui des procès-verbaux que vous enverrez à monsieur le procureur du roi, de requérir même son arrestation en cas de flagrant délit ou de plainte grave. Vous pourrez alors saisir le corps présumé du délit pour l'envoyer au ministère public.
Je vous invite à prendre pour règle les dispositions contenues dans la présente lettre.

Les maires des communes rurales sont des petits fonctionnaires que le préfet peut révoquer et remplacer s'ils ne donnent pas satisfaction. Ici, le maire a outrepassé ses pouvoirs. Vital Mestre est rappelé à l'ordre et il se voit expliquer la procédure qu'il aurait dû suivre. Les préfets de Louis-Philippe cherchent à façonner, à éduquer les maires pour en faire des agents efficaces de l'ordre social qu'ils ont la charge d'incarner.

La loi sur l'administration municipale du 18 juillet 1837 définit les attributions des maires et des conseils municipaux. Le maire administre seul la commune (art. 14). Il agit sous l'autorité, sous la surveillance de l'administration préfectorale (art. 9 et 10). Il propose le budget (art. 10, n° 4). Il gère les propriétés de la commune (art. 10, n° 2). Il souscrit les actes de vente et d'acquisition (art. 10, n° 7). Il passe les adjudications des travaux communaux (art. 10, n° 6). Il dirige les travaux communaux (art. 10, n° 5). Le maire est chargé de la police dans sa commune (art. 10, n° 1), il peut prendre des arrêtés (art. 11) et nomme, avec l'approbation du conseil municipal, le garde champêtre (art. 13, § 1). Le conseil municipal vote le budget (art. 19, n° 1). L'achat, la vente, l'entretien et l'affectation des propriétés communales doivent faire l'objet de délibérations (art. 19, n° 3). Même chose pour les travaux à entreprendre : démolitions, grosses réparations, constructions (art. 19, n° 6). Le conseil municipal examine chaque année les comptes du maire (art. 23, § 1). Il donne en outre son avis sur les questions relatives au culte et à la bienfaisance (art. 21). Les séances des conseils municipaux ne sont pas publiques (art. 29, § 1). Les délibérations se prennent à la majorité des voix (art. 27). Elles sont inscrites, par ordre chronologique, dans un registre coté et paraphé par le sous-préfet et sont signées par tous les conseillers présents à la séance (art. 28). Les délibérations sont contrôlées par l'administration préfectorale (art. 18 et 20).

En 1840, la moitié du conseil municipal est renouvelée. Le dimanche 8 novembre, Robert Saugue, Pierre Cladière, Jean Fournier, Robert Domas, Vital Mestre (de la Faye), Antoine Bard et Antoine Delale sont installés. Le dimanche 15 novembre, le maire et l'adjoint, Vital Mestre et Antoine Delale, nommés par le préfet, s'installent mutuellement, ils prêtent serment. Tous deux habitent le bourg de Saint-Vert. Vital Mestre a 59 ans, il est propriétaire. Antoine Delale a 36 ans, il est cultivateur. Il meurt en janvier 1842. Le préfet nomme alors Antoine Courtine pour le remplacer. Le nouvel adjoint est installé le dimanche 15 mai 1842. Il a 47 ans, est cultivateur, habite au Fiou et a huit enfants.

En 1843, nouvelles élections municipales partielles. Le dimanche 15 octobre, Antoine Courtine, Guillaume Chalet, Vital Vernet, Robert Saugue (neveu), Jean Sarre, Pierre Veyrière et Gérôme Monier sont installés. Il y a désormais deux Robert Saugue au conseil : l'oncle, âgé de 61 ans, ancien maire, et le neveu, âgé de 25 ans. Ils habitent aux Mazeaux. L’oncle n'a pas d'enfant et le neveu n'a plus son père. Le 30 décembre 1843, le préfet nomme Vital Vernet maire de Saint-Vert et Antoine Courtine adjoint. Ils prêtent serment le dimanche 14 janvier 1844 à dix heures du matin. Vital Vernet vient d'entrer au conseil municipal, il a 44 ans, est propriétaire et habite à la Faye. Il est marié mais n'a pas d'enfant et sa fortune personnelle [est] évaluée en revenu [à] 1000 francs. Il est l'un des plus gros propriétaires de la commune.

Quand une commune souhaite faire un gros investissement ou quand les recettes prévisionnelles s'avèrent insuffisantes par rapport aux dépenses, le conseil municipal peut voter un supplément d'imposition. On parle de surimposition ou d' imposition extraordinaire. Doivent alors participer à la délibération, à la prise de décision les contribuables les plus imposés de la commune : leur accord est nécessaire. Sont convoqués autant de plus imposés que le conseil municipal compte de conseillers, soit douze à Saint-Vert. Pour connaître les plus gros contribuables, le percepteur dresse (chaque année ?) la liste des trente contribuables les plus imposés de la commune. Sur cette liste sont inscrits leur nom, leur profession, leur domicile et le montant de leur imposition. Les membres du conseil municipal et les femmes (même veuves) ne figurent pas sur la liste, quel que soit le montant de leur imposition.
Le 30 novembre 1845, le conseil municipal de Saint-Vert, assisté des plus forts imposés, au nombre de neuf, décide d'acheter le château du village pour y établir l'école et le presbytère. La dépense s'élève à 4000 francs. C'est une somme importante pour une petite commune. Le conseil municipal vote la somme de 1383,43 francs en caisse municipale. Il fixe en outre un supplément d'imposition de 2000 francs, étalé sur trois années. Il demande de surcroît un secours (une subvention) de l'Etat. Finalement, le projet n'aboutit pas.
A Saint-Vert, chaque année, les sommes nécessaires pour le traitement du vicaire, le salaire du garde champêtre et l'indemnité de logement du curé (la commune ne possède pas de presbytère) donnent lieu à un supplément d'imposition.

En 1846, la moitié du conseil municipal est renouvelée. Pierre Cladière et Robert Saugues (oncle) sont réélus. Quatre nouveaux conseillers entrent au conseil : Vital Briat, Jacques Lauby, Pierre Mestre et Michel Freydefont. Le dimanche 4 octobre, tous sont installés, ils jure[nt] fidélité au roi des Français, obéissance à la Charte constitutionnelle et aux lois du royaume. Le procès-verbal indique leur profession et leur domicile. Le recensement de la population de 1846 précise leur âge. Pierre Cladière a 52 ans, il est propriétaire et habite à la Roche. Robert Saugues (oncle) a 64 ans, il est expert-géomètre et habite aux Mazeaux. Vital Briat a 36 ans, il est lui aussi expert-géomètre et habite à la Grange Michel. Jacques Lauby a 41 ans, il habite à la Cote. Pierre Mestre est propriétaire, il habite aux Combes. Michel Freydefont a 36 ans, il est maréchal-ferrant et habite le bourg de Saint-Vert.
Le 9 novembre 1846, le préfet de la Haute-Loire nomme Robert Saugues (neveu) maire de Saint-Vert et Jacques Lauby adjoint. Le lundi 30 novembre, à dix heures du matin, Vital Briat, premier membre du conseil municipal (le mieux élu), installe le nouveau maire. Il lui fait prêter le serment requis et lui remet son acte de nomination. Robert Saugues (neveu) a 29 ans, il est célibataire, habite aux Mazeaux, est propriétaire et sa fortune personnelle [est] évaluée en revenus [à] 100 francs. Sa nomination à la mairie, Robert Saugues la doit sans doute à la position sociale de son oncle et homonyme, célibataire et sans enfant, ancien maire et gros propriétaire. L'adjoint, Jacques Lauby, est installé par le maire. Il est propriétaire et sa fortune personnel [est] évaluée en revenus [à] 80 francs.

Les délibérations du conseil municipal évoquent régulièrement la salle (ou le lieu) ordinaire des séances (du conseil), la salle de la mairie, ou la mairie, sans autre précision. Il s'agit peut-être d'une location. Le 18 février 1849, le conseil municipal décide en effet d'acquérir une maison de commune qui doit abriter le presbytère, le logement de l'instituteur, ainsi qu' une salle pour la mairie.

Le 21 décembre 1846, un inventaire détaillé des documents et objets conservés à la mairie de Saint-Vert est dressé. Les archives communales se composent des registres de l'état civil de 1807 à 1846, des tables décennales de 1813 à 1843, de vingt-cinq registres mal tenus et en mauvais état, des registres des délibérations (du conseil municipal) depuis 1827 jusqu'à ce jour, du budget de 1831 à 1845, du talon de passeports de 1835 à 1846, moins 1844 , et des tableaux de recensements (de la population) de 1806 à 1845. Il y a aussi des documents cadastraux : la matrice générale de 1836 à 1846, ainsi qu'un ancien [et de] nouveaux état de section. La bibliothèque de la mairie est constituée d'ouvrages de droit et de pratique administrative : le Code municipal de Leber en 2 volumes, le Guide des administrateurs de Dubois, une Législation et le Traité de l'organistation et des attributions des corps municipaux (en 2 volumes) de Bost, un règlement sur les chemins vicinaux, ainsi que les 9 volumes du Formulaire municipal de Miroir qui donne toutes les formules d'actes qu'un maire peut être amené à rédiger. Ces ouvrages guident le maire dans ses diverses tâches, lui fournissent les références juridiques indispensables. La commune est abonnée au Bulletin des lois dont elle conserve les numéros de quelques années [mais] où il […] manque la majeur partie . Figurent également dans l'inventaire des instruments de mesure et des outils. Et enfin, l'écharpe du maire et le sceau de la commune.

la révolution de 1848

L'année 1846 est marquée en France par une mauvaise récolte de céréales. Les prix augmentent. On manque de pain. La disette refait son apparition. Dans les campagnes, les paysans les plus pauvres sont réduits à la misère. Les journaliers ne trouvent plus d'embauche. La réponse du gouvernement à cette crise est timide, aucune politique d'assistance n'est mise en place à l'échelle du pays. Ce sont les communes qui viennent en aide aux plus démunis. A Saint-Vert, le 14 février 1847, le maire propose au conseil municipal de venir au secour des habitants malheureux et indigents de la commune, dont le nombre déjà considérable augmente chaque jour, en créant un atelier de charité pour leur procurer du travail et donc un salaire. Le conseil municipal reconnaît qu'il exist[e] dans la commune beaucoup de malheureux sans travail et sans pain et vote une somme de 1200 francs pour financer l'atelier de charité. Les indigents seront employés à l'entretien des chemins vicinaux. Le maire et trois membres du conseil municipal, Robert Saugues (oncle), Vital Briat et Pierre Cladière sont chargés d'assister l'agent voyer qui dirigera les travaux. On le voit, la solidarité s'exerce à l'échelle communale.

Si la crise économique - crise agricole, industrielle et commerciale - peut, dans une certaine mesure, expliquer la révolution de 1848, d'autres facteurs ont joué. Les dernières années de la Monarchie de Juillet sont marquées par des scandales politico-financiers. Louis-Philippe, âgé, est de moins en moins populaire. Le gouvernement refuse toute réforme électorale tendant à augmenter le nombre d'électeurs. La Monarchie de Juillet est un régime autoritaire et très conservateur. Pour contourner l'interdiction du droit de réunion, l'opposition organise des banquets politiques. C'est l'interdiction d'un banquet à Paris qui met le feu aux poudres. Le 22 février 1848, les étudiants parisiens descendent dans la rue. Le 23 février, les manifestants - étudiants et ouvriers - dressent des barricades. Des combats éclatent. Plusieurs manifestants sont tués. Les républicains appellent à renverser le roi. Dans les rues de Paris, on crie : Vive la République !. Le 24 février, Louis-Philippe abdique en faveur de son petit-fils puis s'enfuit en direction de l'Angleterre. Le peuple s'empare des Tuileries (la résidence du roi) qu'il saccage. Le trône du roi est transporté par les boulevards avant d'être brûlé. Le peuple envahit le palais Bourbon (siège de la représentation nationale) et réclame la République. Un gouvernement provisoire est constitué.

H.F. Philippeaux, Le 25 février 1848, devant l'Hôtel de Ville de Paris

Le 25 février, la République est proclamée. La nouvelle parvient très vite en province. Le télégraphe optique permet d'atteindre les principales villes en quelques heures. En mars et avril, des commissaires de la République sont envoyés dans les départements pour remplacer les préfets de la monarchie. Leur tâche consiste à installer la République dans l'administration. Ils nomment des fonctionnaires républicains. Le 5 mars, le conseil municipal de Saint-Vert est convoqué en vertu de la lettre de la commission de l'arrondissement de Brioude, le maire informe le conseil des événements parisiens :

[…] Monsieur le maire a donné connaissance et lecture au conseil municipal de deux dépêches télégraphiques (énoncées) du gouvernement provisoire nationnale improvisé à Paris par suite des événements du 24 février qui ont renversés le gouvernement fondé en juillet 1830. Lesquelles dépêches à la date des 24 février, 10 heures du soir, et 25 février 1848, 10 heures du matin, ont été transmises par l'intermédière de monsieur le préfet du département de la Haute-Loire et de monsieur le sous-préfet de l'arrondissement de Brioude.
Monsieur le maire et monsieur l'adjoint, ayant eu connaissance des dépêches sus-relatées, se sont empressé d'apposer le drapeau tricolore pour (ennoncer) le gouvernement populaire et ce avec une grande joie.
Tous les membres du conseil présent à la séance ont déclarés qu'ils donnaient sans réserve leur approbation au gouvernement provisoire, qu'ils promettaient soit comme citoyens, soit comme magistrat leur concours le plus dévoué et le plus actif à ce gouvernement auquel tout le peuple inspire la plus grande confiance et s'associent à toutes les … et … de ce gouvernement pour assurer le bonheur et la liberté de la France.
[…]

Le maire sert d’intermédiaire entre l'Etat et la communauté villageoise. Il est chargé d'annoncer et d'expliquer le changement de régime aux habitants de sa commune. Pour signifier publiquement la chute de la monarchie et l'avènement de la République, on suspend un drapeau tricolore. Bien qu'ayant été repris par Louis-Philippe, le drapeau tricolore demeure le symbole de la Révolution de 1789. Le maire et l'adjoint ressentent, nous dit-on, une grande joie. Le conseil municipal affiche sa solidarité à l'égard du gouvernement provisoire. Mais il s'agit d'une proclamation officielle, dictée par les autorités et visant à associer les communes rurales aux événements parisiens. On ignore comment les habitants de la commune ont accueilli l'annonce de la République.

la Deuxième République

Le 2 mars 1848, le gouvernement provisoire instaure le suffrage universel. Le décret du 5 mars en fixe les modalités. Tous les hommes âgés d'au moins 21 ans ont désormais le droit de vote. Le dimanche 23 avril 1848, c'est l'élection de l'Assemblée nationale constituante. Huit millions d'électeurs nouveaux sont concernés. Le vote a lieu au chef-lieu de canton ou dans un chef-lieu de section du canton. Pour s'y rendre, les électeurs cheminent généralement groupés, avec parfois le maire et le curé à leur tête. Une fois sur place, les électeurs sont appelés au vote par commune. Il n'y a ni bulletins (on écrit soi-même son bulletin) ni isoloirs. Ce sont les républicains modérés qui l'emportent. Lors de la première séance de la nouvelle assemblée, le 4 mai, les représentants du peuple proclament à nouveau la République.

Le décret du 3 juillet 1848 ordonne le renouvellement intégral de tous les conseils municipaux (art. 1, § 1). Les élections municipales doivent avoir lieu avant le 1er août (art. 1, § 2). Pour voter, il faut avoir 21 ans et être domicilié depuis au moins six mois dans la commune (art. 5). Pour être élu conseiller, il faut avoir 25 ans et être domicilié dans la commune ou, à défaut, y payer des impôts (art. 9, § 1). Les dimanches 30 juillet et 6 août 1848 ont lieu les premières élections municipales au suffrage universel. A Saint-Vert, il s'agit d'élire douze conseillers. On ne connaît pas le nombre d'électeurs inscrits, mais au recensement de 1846 la commune de Saint-Vert compte 229 hommes en âge de voter. Quatre conseillers sont élus dès le premier tour. Robert Saugue, le maire sortant, obtient 139 voix, Louis Baylot 114 voix, Jacques Lauby, l'adjoint sortant, 99 voix, et Gérôme Mosnier 87 voix. Les huit autres conseillers sont élus le 6 août, lors du second tour. Antoine Courtine obtient 107 voix, Antoine Fontanon 96 voix, Guillaume Chalet 95 voix, Vital Cartier 86 voix, François Freydefont 79 voix, Benoît Mestre 79 voix, Antoine Bard 72 voix et Vital Vernet 70 voix. Le suffrage universel ne modifie pas vraiment la physionomie du conseil municipal puisque six conseillers sont réélus.

Le maire et l'adjoint ne sont plus nommés par le préfet mais choisis par le conseil municipal et pris en son sein (décret du 3 juillet 1848, art. 10, § 1). Le vendredi 25 août 1848, le nouveau conseil municipal de Saint-Vert est installé. Il n'y a plus de prestation de serment. Toute forme de serment a été aboli comme étant monarchique en son essence et contraire à la liberté. Dans le procès-verbal, chaque nom est précédé de l'appellatif citoyen qui rappelle la Révolution de 1789 et exprime l'égalité entre les hommes. Au cours de la même séance, le conseil municipal procède à l'élection du maire et de l'adjoint au scrutin secret et individuel. Robert Saugue est élu maire avec 12 voix, soit la totalité des suffrages. Le conseil municipal vote à l'unanimité pour le maire nommé sous le régime précédent. Robert Saugue a désormais 31 ans, sa situation sociale et familiale est inchangée. Benoît Mestre est élu adjoint (7 voix). Il a 35 ans, est célibataire, habite le bourg de Saint-Vert, est propriétaire et sa fortune personnelle [est] évaluée en revenu [à] 68 francs. Le dimanche 10 septembre 1848, à dix heures du matin, le conseiller municipal le mieux élu, Louis Baylot, procède à l'installation du maire. A onze heures, le maire installe son adjoint.

Sur douze conseillers municipaux, deux - Gérôme Mosnier et Vital Cartier - ne sont pas en mesure d'écrire leur nom. Ils déclarent ne pas savoir signer, être illettrés.

Sous la Deuxième République, le conseil municipal de Saint-Vert choisit chaque année en son sein deux conseillers pour faire partie d'une commission chargée de désigner des jurés. Antoine Bard et François Freydefont sont choisis en 1848, Benoît Mestre et François Freydefont en 1849, Louis Baylot et Antoine Courtine en 1850, Antoine Bard et Jacques Lauby en 1851, Guillaume Chalet et Pierre Mestre en 1852.

La Constitution de la Deuxième République est promulguée le 4 novembre 1848. Elle confère le pouvoir législatif à une Assemblée nationale de 750 membres et le pouvoir exécutif à un président de la République, à la fois chef d'Etat et chef de gouvernement, élu au suffrage universel. L'élection du président de la République a lieu le dimanche 10 décembre 1848. Il y a cinq candidats. Louis-Napoléon Bonaparte est élu président avec plus de 5 400 000 voix. Le peuple des campagnes a massivement voté pour ce candidat presqu'inconnu et sans véritable programme, mais au nom prestigieux qui évoque la légende napoléonienne. Les élections législatives du 13 mai 1849 voient la victoire du parti de l'Ordre et la défaite des républicains (démocrates-socialistes). Le parti de l'Ordre rejette la République démocratique et sociale. La loi électorale du 31 mai 1850 restreint le suffrage universel en excluant les indigents (pour voter il faut désormais être inscrit au rôle de la taxe personnelle) et les migrants (il faut trois ans de domicile continu) : le corps électoral est réduit de près d'un tiers, le nombre d'électeurs passe de 9 600 000 à 6 800 000.

Dans une délibération en date du 18 février 1849, on apprend qu'un conseiller municipal, Vital Vernet, est décédé. Il avait été maire de Saint-Vert de 1843 à 1846. Il n'est pas remplacé.

Ne pouvant obtenir de l'Assemblée la révision de la Constitution qui lui permettrait d'être réélu président de la République en 1852 (le mandat du président de la République est de 4 ans, il est non renouvelable), Louis-Napoléon Bonaparte décide de recourir à la force. Le 2 décembre 1851, il fait placarder sur tous les murs de Paris une proclamation annonçant la dissolution de l'Assemblée, la préparation d'une nouvelle Constitution et le rétablissement du suffrage universel intégral (abrogation de la loi du 31 mai 1850). Dans le même temps, il fait arrêter et incarcérer ses principaux opposants. Un régiment s'empare du Palais-Bourbon. Les représentants républicains en appellent au peuple pour défendre la République. On dresse des barricades. Mais la troupe, très déterminée, étouffe l'insurrection populaire. Une résistance s'organise aussi en province. Elle est réprimée sévèrement. Le registre des délibérations de la commune de Saint-Vert ne porte aucune trace du coup d'Etat du 2 décembre. Le sort de la République laisse peut-être la municipalité indifférente. Louis-Napoléon Bonaparte est populaire dans les campagnes.

Pour légitimer le coup d’Etat, on organise un plébiscite. Dans cette perspective, le 14 décembre 1851, le maire de Saint-Vert, assisté du juge de paix du canton d'Auzon, dresse la nouvelle liste électorale de [la] commune de Saint-Vert sur laquelle figurent 236 électeurs. La liste est publiée et déposée au secrétariat de la mairie jusqu'au 19 décembre à huit heures du soir pour être communiquée à tout requérant et pour être fait droit aux réclamations s'il y a lieu. Le maire annonce en outre que les électeurs ser[ont] admis à voter les 20 et 21 décembre depuis huit heures du matin jusqu'à quatre heures du soir. Les électeurs sont appelés à se prononcer sur la phrase suivante : “ Le peuple français veut le maintien de l’autorité de Louis-Napoléon Bonaparte, et lui délègue les pouvoirs nécessaires pour établir une Constitution sur les bases proposées dans sa proclamation du 2 décembre 1851.” Sur 8 140 000 votants, on compte 7 467 000 “ oui ” et 636 000 “ non ”.

Une nouvelle Constitution est rédigée. Elle donne au chef de l'Etat une autorité sans partage. Louis-Napoléon Bonaparte reçoit le titre de prince-président. L'Assemblée devient une simple chambre d'enregistrement, sans véritable pouvoir d'amendement. Le suffrage universel est maintenu. La nouvelle Constitution est promulguée le 14 janvier 1852.

Le samedi 15 mai 1852, à sept heures du matin, Robert Saugue, maire assermenté de la commune de Saint-Vert, fait prêter à tous les conseillers municipaux le serment de fidélité requis par la nouvelle Constitution. Tous sont présents : Guillaume Chalet, Benoît Mestre, Antoine Courtine, Antoine Bard, Jacques Lauby, Gérôme Mosnier, François Freydefont, Antoine Fontanon, Louis Baylot et Vital Cartier. A tour de rôle, en levant la main droite, chacun jure obéissance à la Constitution et fidélité au président. Le rétablissement d'un serment illustre le retour à un pouvoir de type monarchique : les citoyens redeviennent des sujets.

Les élections municipales de 1851 ont été ajournées. La loi du 7 juillet 1852 ordonne le renouvellement intégral de tous les conseils municipaux (art. 1). Le maire et l'adjoint ne sont plus élus par le conseil municipal mais nommés par le préfet (art. 7, § 2). Il peut les prendre en dehors du conseil municipal (art. 8, § 1). La Deuxième République avait fait des maires et adjoints des représentants du peuple, ils redeviennent des fonctionnaires, des agents de l'Etat. En les nommant, le régime entend mieux les contrôler et les soumettre à son autorité. Le 21 juillet 1852, le préfet de la Haute-Loire nomme Robert Saugue maire de Saint-Vert et Benoît Mestre adjoint. Nommé maire sous la monarchie, élu sous la République, Robert Saugue est maintenu par le nouveau régime. Le mardi 27 juillet, à huit heures du matin, le maire et l'adjoint sont installés.

Les élections municipales ont lieu en août 1852. Dans les communes qui comptent moins de 2500 habitants, le scrutin se déroule sur une journée, un dimanche (loi du 7 juillet 1852, art. 3, § 5). Les conseillers municipaux sont élus au suffrage universel. A Saint-Vert, dix conseillers sur douze sont réélus. Il s'agit de Louis Baylot, Guillaume Chalet, Gérôme Mosnier, Benoît Mestre, Robert Saugue, Jacques Lauby, Vital Cartier, Antoine Courtine, Antoine Bard et Antoine Fontanon. Les deux nouveaux conseillers sont Pierre Cladière (aîné) et Pierre Mestre. Le conseil municipal est installé le dimanche 7 novembre. Chaque conseiller jure, en levant la main droite, d'être fidèle au président et d'obéir à la Constitution. Louis Baylot refus[e] de prêter […] serment […] disant qu'il ne [veut] plus faire partie du conseil municipal. Il était entré au conseil en 1848, a prêté serment au nouveau régime trois mois plus tôt et vient d'être réélu. On ignore pourquoi il se retire. Il n'est pas remplacé.

A l'automne 1852, Louis-Napoléon Bonaparte entreprend un voyage en province. Sur le passage du cortège, les autorités locales font crier Vive l'empereur. Les 25 et 26 septembre, il est à Marseille. L'accueil est enthousiaste, les allusions à l'Empire sont omniprésentes. Mais les préparatifs d'un attentat visant le prince-président sont découverts dans la banlieue de Marseille. On ignore, encore aujourd’hui, s'il s'agissait d'un complot réel ou d'une affaire montée par la police pour en tirer un effet de propagande. Le voyage se poursuit. A Bordeaux, le 9 octobre, le chef de l’Etat prononce un discours déterminant : il dévoile son désir de rétablir l'Empire et expose son programme de gouvernement.
Le sénatus-consulte du 7 novembre 1852 rétablit la dignité impériale. Le prince-président Louis-Napoléon Bonaparte devient empereur des Français, sous le nom de Napoléon III. La Constitution du 14 janvier est maintenue dans toutes ses autres dispositions. Le même jour, le conseil municipal de Saint-Vert adresse un message au prince Bonaparte. Il rappelle la tentative d'attentat déjouée et réclame le rétablissement de l'Empire :

Séance du 7 novembre 1852

Prince,

Les membres du conseil municipal de la commune de Saint-Vert, réunis au début de leur mission, adressent des actions de grâces à la providence qui a sauvé vos jours menacés par un lâche attentat.
Pénétrés de reconnaissance pour le dévouement sublime qui a sauvé la France en proie à la fureur des partis, ils jurent fidélité à votre altesse impériale et vous prie, monseigneur, de vouloir bien consolider son œuvre par le rétablissement de l'Empire, seul gouvernement assez fort pour désarmer les factions et assurer au pays un long avenir de paix et de prospérité.

Il s'agit d'un message de propagande, dicté par la préfecture. Le rétablissement de l'Empire doit apparaître comme la volonté du peuple, dont le prince entend tenir sa légitimité. Louis-Napoléon Bonaparte est l'homme providentiel. Dans le conflit qui oppose les royalistes aux républicains, il se place en arbitre, il incarne une voie médiane entre la monarchie et la république. Il impose un pouvoir fort mais se veut l'héritier de la Révolution de 1789. Il rassure le parti de l'Ordre et les milieux d'affaires en écartant le péril socialiste tout en bénéficiant d'un fort soutien populaire. Il a de grandes ambitions sociales et économiques : il veut réduire la pauvreté, venir à bout de la misère, mais aussi moderniser la France en ouvrant des routes et des canaux, en creusant des ports, en développant le réseau de chemins de fer.
Un plébiscite est organisé les 21 et 22 novembre 1852 pour ratifier le changement de régime. La révision de la Constitution est largement approuvée par les Français : on dénombre 7 811 000 “ oui ” et 252 000 “ non ”. Le 2 décembre, date anniversaire du sacre de Napoléon Ier (1804) et de la victoire d'Austerlitz (1805), un décret proclame le Second Empire.

le Second Empire

Le Second Empire est une démocratie autoritaire. La population est étroitement surveillée. L'empereur concentre tous les pouvoirs. Il fonde sa légitimité sur le suffrage universel. Les députés, les conseillers généraux, les conseillers d'arrondissement et les conseillers municipaux sont élus au suffrage universel. Lors des élections législatives, le préfet désigne clairement aux électeurs le candidat qui a la confiance du gouvernement. En votant pour le candidat du gouvernement, le peuple renouvelle sa confiance à l'empereur. Tous les fonctionnaires locaux, le juge de paix, les gendarmes, le maire, l'instituteur, le curé, le cantonnier, le facteur, le garde champêtre sont mobilisés pour faire la campagne électorale du candidat officiel, qui est orchestrée par le préfet. Le candidat officiel a droit à l'affiche blanche (c'est la couleur des communications officielles) qui est apposée par les soins de l'administration aux emplacements légaux et que nul ne peut lacérer sous peine de délit, tandis que les affiches de couleur que ses adversaires doivent faire coller à leurs frais et sans aide aucune sont souvent déchirées par les fonctionnaires locaux eux-mêmes, quand elles n'ont pas été égarées à la poste. Les maires du Second Empire, nommés par les préfets, sont des agents du gouvernement. Ils poussent leurs administrés à voter pour le candidat officiel. Quelques jours avant le scrutin, le garde champêtre parcourt la commune pour remettre à chaque électeur le bon bulletin. Les pressions et les intimidations s'intensifient le jour des élections, d'autant qu'il n'y a pas d'isoloir ni d'enveloppe et que les bulletins sont remis au maire qui les glisse lui-même dans l'urne.

Hippolyte Flandrin, Napoléon III, Empereur des Français, Extrait

Pour durer, le régime doit avoir le soutien des Français. La presse est contrôlée, les catalogues des colporteurs sont épurés, les cabarets sont surveillés. Parallèlement, une active propagande vante sans relâche les bienfaits du régime. Même le mariage de l'empereur avec la comtesse espagnole Eugénie de Montijo le 20 janvier 1853 est exploité pour séduire l'opinion. Le 5 février, à la demande de la préfecture, le conseil municipal de Saint-Vert adresse ses voeux de bonheur au couple impérial :

A sa majesté Napoléon III, empereur des Français.

Sire,

Le conseil municipal de la commune de Saint-Vert, organe des sentiments de la population, s'empresse de vous offrire, ainsi qu'à sa majesté l'impératrice, ses félicitations respectueuses et ses vœux à l'occasion de votre mariage auquel la France entière applaudit.
Puisse, Sire, cette auguste union, accomplie sous une nouvelle inspiration de la providence, et sur laquelle nous appelons les protections du Ciel par nos prières, procurer à votre majesté tout le bonheur qu'elle mérite et assurer à notre patrie un long avenir de paix et de prospérité.
En mairie à Saint-Vert le 5 février 1853.

Napoléon III est souvent présenté par la propagande comme l'empereur des paysans. De fait, le régime affiche un grand intérêt pour l'agriculture. Les paysans bénéficient de la croissance économique qui s'accompagne d'une augmentation des prix agricoles. Ils accordent un soutien massif au régime.

Le 31 août 1853, le conseil municipal décide d'acheter le château de Saint-Vert pour y établir le presbytère, l'école et la mairie. Mais le sous-préfet se montre réticent, il émet des réserves. Il craint notamment que la fréquantation [de] la mairie ne troubl[e] le calme et le repos que l'on doit rechercher pour une salle d'école et un presbytère. Le conseil municipal répond au sous-préfet que la mairie sera [installée dans le bâtiment] de manière à ne pas déranger l'école et qu'en outre, dans une petite commune comme celle de Saint-Vert, la salle de la mairie est nécessairement peu fréquentée. Le sous-préfet n'est pas convaincu. Il rejette le projet d'acquisition du château et demande à la commune de construire une maison d'école. La municipalité ne veut pas en entendre parler, elle rétorque que contrarier la commune et […] s'opposer à ses projets sur le château c'[est] évidemment contrarier et s'opposer à ses véritables intérêts, ce que ne peut pas vouloir l'administration. Elle persiste à vouloir acheter le château. Quand il s'agit d'adresser un message à l'empereur, la municipalité obéit sans faire d'histoire. En revanche, lorsque l'intérêt de la commune est en jeu, comme ici, le conseil municipal n'hésite pas à s'opposer avec fermeté à l'administration.

En avril 1854, le percepteur dresse la liste des trente contribuables les plus imposés de la commune de Saint-Vert. Dans une première section, à part, il inscrit les cotes d'imposition des conseillers municipaux (Arch. dép. Haute-Loire, 3 M 240) :

noms et prénoms professions domiciles montant de la cote d’imposition
  Pierre Cladière meunier la Roche 236,69 francs
  Benoît Mestre meunier Saint-Vert 192,00 francs
  Jacques Lauby propriétaire la Cote 168,69 francs
  Robert Saugues meunier les Mazeaux 100,00 francs
  Pierre Mestre propriétaire les Combes 100,00 francs
  Antoine Bard propriétaire Chalus 69,74 francs
  Antoine Courtine propriétaire le Fiou 62,41 francs
  Gérôme Mosnier propriétaire Peymian 55,68 francs
  Antoine Fontanon propriétaire la Font de Faux 12,61 francs
  Vital Cartier propriétaire Saint-Vert 12,05 francs
  Guillaume Chalet propriétaire Saint-Vert 5,18 francs

La fourchette est très large puisque la plus forte cote (236,69 francs) est 45 fois plus élevée que la plus faible (5,18 francs). Si l'on confronte les cotes d'imposition des conseillers municipaux avec celles des trente plus imposés, on s'aperçoit que Pierre Cladière est le plus gros contribuable de la commune, Benoît Mestre arrive en 3ème position, Jacques Lauby est 5ème, Robert Saugues et Pierre Mestre sont 8ème ex aequo, Antoine Bard est 13ème, Antoine Courtine 16ème et Gérôme Mosnier 21ème. Les conseillers municipaux sont donc parmi les plus gros contribuables de la commune, les principaux propriétaires fonciers.

La loi sur l’organisation municipale du 5 mai 1855 abroge la loi du 21 mars 1831, le décret du 3 juillet 1848 et la loi du 7 juillet 1852. Dans les communes de moins de 3000 habitants, le maire et l’adjoint sont nommés par le préfet, au nom de l’empereur (art. 2, § 2). Ils doivent avoir au moins 25 ans et être inscrits, dans la commune, au rôle de l’une des quatre contributions directes (art. 2, § 3), c’est-à-dire qu’ils doivent être imposables. Ils ne perçoivent aucune rémunération (art. 1, § 2). Le maire et l’adjoint peuvent être pris en dehors du conseil municipal (art. 2, § 4). Ils sont nommés pour cinq ans (art. 2, § 5).
Les conseillers municipaux sont élus au suffrage universel (art. 7, § 1). Ils doivent avoir au moins 25 ans (art. 8, § 1). Dans les communes qui comptent de 501 à 1500 habitants, le conseil municipal se compose de 12 membres (art. 6). Les conseils municipaux sont renouvelés intégralement tous les cinq ans. Les élections municipales se font au scrutin de liste (art. 32). Le maire préside l’assemblée des électeurs communaux (art. 29). Les deux électeurs les plus âgés et les deux plus jeunes présents à l’ouverture de la séance, sachant lire et écrire, remplissent les fonctions de scrutateurs (art. 31, § 1). Un secrétaire est désigné par le président et les scrutateurs (art. 31, § 2). Trois membres du bureau, au moins, doivent être présents pendant toute la durée des opérations (art. 31, § 3). Une copie de la liste des électeurs, certifiée par le maire, contenant les nom, domicile et qualification de chacun des inscrits est déposée sur la table autour de laquelle siège le bureau (art. 35).
L’article 38 de la loi du 5 mai 1855 détaille le vote avec précision. Le jour des élections les électeurs sont réunis en assemblée. On les appelle, un à un, par ordre aphabétique. Ils apportent leur bulletin préparé à l’avance. Le papier du bulletin doit être blanc et sans signe extérieur. A l’appel de son nom, l’électeur remet au président son bulletin fermé (il n’y a pas d’enveloppe). Le président le dépose dans la boîte du scrutin (l’urne), laquelle doit être fermée par deux serrures. Le président a une clef, le scrutateur le plus âgé a l’autre clef. Le vote de chaque électeur est constaté sur la liste, en marge de son nom, par la signature de l’un des membres du bureau. Une fois l’appel des électeurs terminé, on procéde au réappel, toujours par ordre alphabétique, des électeurs qui n’ont pas voté.
Le scrutin doit rester ouvert pendant au moins trois heures (art. 39, § 2). Après la clôture du scrutin, on procède au dépouillement. Les membres du bureau désignent, parmi les électeurs présents, un certain nombre de scrutateurs (art. 40, § 4). Le président et les membres du bureau surveillent le dépouillement. Ils peuvent procéder eux-mêmes au dépouillement s’il y a moins de trois cents votants (art. 40, § 5). Les bulletins blancs ou illisibles, ceux qui ne contiennent pas une désignation suffisante, ou qui contiennent une désignation ou qualification inconstitutionnelle, ou dans lesquels les votants se font connaître ne sont pas pris en compte dans le résultat du dépouillement (art. 42, § 3). En revanche, les bulletins qui portent moins de noms ou plus de noms qu’il n’y a de conseillers à élire sont valables (art. 42, § 1). Sitôt le dépouillement terminé, le président proclame le résultat du scrutin (art. 43, § 1). Un procès-verbal de l’élection, dont une copie est envoyée au préfet, est dressé par le secrétaire (art. 43, § 2). Les bulletins sont brûlés en présence des électeurs (art. 43, § 3). Pour être élu au premier tour, il faut obtenir la majorité absolue des suffrages exprimés et un nombre de voix au moins égal au quart des électeurs inscrits. Au deuxième tour, l’élection se fait à la majorité relative (art. 44, § 1). Si plusieurs candidats obtiennent le même nombre de voix, c’est le plus âgé qui l’emporte (art. 44, § 3).
Les conseils municipaux s’assemblent en sessions ordinaires quatre fois par an : au commencement de février, mai, août et novembre. Chaque session peut durer dix jours (art. 15, § 1). Le préfet ou le sous-préfet prescrit la convocation extraordinaire du conseil municipal, ou l’autorise sur la demande du maire, toutes les fois que les intérêts de la commune l’exigent (art. 15, § 2). Le conseil municipal ne peut délibérer que lorsque la majorité des conseillers assiste à la séance (art. 17, § 1). Les résolutions sont prises à la majorité absolue des suffrages (art. 18, § 2). Le maire préside le conseil municipal et sa voix est prépondérante en cas de partage (art. 19, § 1). Les fonctions de secrétaire sont remplies par un des membres du conseil municipal, élu au début de chaque session (art. 19, § 4). Les délibérations sont inscrites, par ordre chronologique, sur un registre coté et paraphé par le sous-préfet (art. 22, § 2). Elles sont signées par tous les conseillers présents à la séance (art. 22, § 3). Une copie de chaque délibération est adressée, dans les huit jours, au préfet ou au sous-préfet (art. 22, § 4). Les séances du conseil municipal ne sont pas publiques (art. 22, § 1). Mais tout habitant de la commune a le droit de consulter les délibérations du conseil municipal de sa commune (art. 22, § 5).

La loi du 5 mai 1855 ordonne le renouvellement intégral des conseils municipaux, ainsi que la nomination de nouveaux maires et adjoints, dans un délai de six mois (art. 49, § 1). Les élections municipales ont lieu en juillet 1855. Robert Saugue, Pierre Cladière, Vital Cartier, Benoît Mestre, Guillaume Chalet, Antoine Fontanon, Antoine Courtine, Gérôme Mosnier, Antoine Bard et Pierre Mestre sont réélus. Deux nouveaux conseillers entrent au conseil : Benoît Bœuf et Claude Magaud. Le dimanche 25 novembre 1855, le conseil municipal est installé. Le maire a convoqué à la mairie tant les conseillers sortans que les membres du nouveau conseil. Tous sont présents à l'exception de Jacques Lauby, qui n'a pas été réélu. Robert Saugue commence par donner lecture d'une lettre du sous-préfet annonç[ant] que l'élection […] a été reconnue régulière et invitant à installer le nouveau conseil municipal. Chaque conseiller déclare qu'il accept[e] le mandat dont ses concitoyens ont voulu l'investir Le maire lit la formule du serment […] ainsi conçu : « Je jure obéissance à la Constitution et fidélité à l'Empereur », […] appel[le] successivement chacun des conseillers […] et les [invite] à prêter le serment […], ce que chacun d'eux [fait] immédiatement en disant : « Je le jure ». Alors le maire les déclar[e] instalés comme membres du conseil municipal de la commune de Saint-Vert. En 1856, Antoine Courtine est nommé adjoint.

Trois conseillers municipaux - Vital Cartier, Pierre Mestre et Gérôme Mosnier - ne savent pas écrire leur nom. Au début du Second Empire, la proportion d' illettrés (déclarés tels) au sein du conseil municipal de Saint-Vert est la même qu'au début de la Monarchie de Juillet.

Le 16 novembre 1856, devant le conseil municipal, le maire expose que la commune de Saint-Vert [est] dépourvue de maison commune, [et] que celle qui est affermée pour servir de maison d'école pour les garçons est trop petite pour pouvoir réserver une chambre pour déposer les archives de la mairie et servir en même temps de bureau pour faire les écritures qu'exige la mairie. Il propose de louer un cabinet aux Mazeaux, dans la maison de son frère cadet, Victorin Saugue. Il estime que ce cabinet, indépendant de toutes les (essances) du corps [du] bâtiment, [est] très convenable pour servir de bureau pour la mairie, que les meubles qui y sont sont plus que suffisant pour recevoir toutes les archives communales, [et] que ledit sieur Saugue Victorin donne son cabinet en afferme moyenant un prix très convenable. On sait que Robert Saugue habite lui-même aux Mazeaux ; on peut donc penser que ce choix l'arrangerait beaucoup en lui évitant de se rendre, pour s'occuper des affaires de la commune, à Saint-Vert. Le conseil municipal accepte, il considère qu'il est d'urgence que la commune [ait] un lieu convenable pour déposer les archives communales et en même temps pour servir de bureau, [il] est d'avis que le cabinet présenté par [le] maire soit affermé pour les fins ci-dessus et aux frais de la commune. C'est une solution provisoire, en attendant que la commune puisse acquérir le château et y établir la mairie.

Dans la soirée du 14 janvier 1858, en se rendant à l'Opéra, l'empereur et l'impératrice sont la cible d'un attentat à la bombe. Ils en sortent indemnes, mais il y a de nombreuses victimes. L'auteur de l'attentat est un révolutionnaire italien, Felice Orsini. Il pensait, en supprimant Napoléon III, provoquer en France une révolution qui se serait étendue à l'Italie. Le 8 février 1858, le conseil municipal de la commune de Saint-Vert réagit à l'attentat :

[…] La séance ouverte, monsieur le maire expose que le 14 janvier dernier les jours de leur majest[é] l'empereur et l'impératrice ont été en danger par un attentat d'assassin, mais [que] grâce à la divine providence [cet] attenta a échoué. Le bonheur de la France est encore dans la personne de sa majesté Louis-Napoléon III, empereur des Français. [Le maire] propose, en conséquence, que le conseil municipal de la commune de Saint-Vert [soit] mis en demeure de donner son adésion la plus sincère et la plus spontanée en les personnes de leur majesté l'empereur et l'impératrice des Français. Le conseil, après avoir mûrement examiné la proposition [du] maire, considérant que l'attenta du 14 janvier dernier jetais la France dans un piège tendu depuis plusieurs années, grâce à dieu doit être rendue d'avoir fait échouer un si cruel projet et préserver les jours bienfaiteur du chef de notre patrie, en conséquence il lui donne son adhésion la plus sincère et la plus spontanée et fait des vœux au ciel pour que Dieu daigne protéger leur majesté l'empereur et l'impératrice de notre grande patrie européenne. […]

Le conseil municipal de Saint-Vert renouvelle à travers ces lignes, dictées par l'administration préfectorale, son soutien à l'empereur, dont l'assassinat aurait inévitablement entraîné la chute du régime. La réprobation que provoque au sein de la population l'attentat d'Orsini est utilisée comme un moyen de propagande. La répression antirépublicaine se durcit. On procède à des arrestations. Plusieurs journaux sont interdits. Une loi de sûreté générale, dite loi des suspects, est votée.

Le 22 mai 1859, sur la proposition du maire, le conseil municipal décide d'acheter trois ouvrages administratifs pour le service de la mairie. Il s'agit du Secrétaire de mairie (7,50 francs), d'un Manuel des gardes champêtres (2,75 francs) et d'un Code de l'instruction primaire (2,75 francs).

Le 23 juillet 1860, le préfet de la Haute-Loire nomme Robert Saugue maire de Saint-Vert et Antoine Courtine adjoint. Le mercredi 15 août, à neuf heures du matin, Pierre Cladière, conseiller municipal inscrit le premier sur le tableau, procède à l'installation du maire. Il lui fait prêter serment, lui remet son acte de nomination et le déclare installé. Robert Saugue a désormais 43 ans, sa fortune personnelle [est] évaluée en revenu [à] 150 francs. Le même jour, à dix heures du matin, le maire procède à l'installation de l'adjoint qui prête serment et reçoit son acte de nomination. Antoine Courtine a 65 ans, il est marié, a sept enfants, habite au Fiou, est propriétaire cultivateur et sa fortune personnelle [est] évaluée en revenu [à] 50 francs.

En 1860 ont lieu les élections municipales. Robert Saugue, Pierre Cladière, Guillaume Chalet, Antoine Fontanon, Antoine Courtine, Gérôme Mosnier, Antoine Bard, Pierre Mestre, Benoît Bœuf et Claude Magaud sont réélus. Deux nouveaux conseillers entrent au conseil : Jean Coudert et Blaize Tixier. Le conseil municipal est installé le dimanche 14 octobre, à dix heures du matin. Chaque conseiller déclar[e] qu'il accept[e] le mandat dont ses concitoyens ont voulu l'investir. Le maire lit la formule du serment et, à tour de rôle, les conseillers répondent : Je le jure.

Le 2 juillet 1864, le maire suggère à nouveau d'acheter le château de Saint-Vert pour y établir le presbytère, le logement de l'instituteur et y conserv[er] une salle pour déposer toutes les archives de la commune et servir de bureau pour la mairie. Le conseil municipal, considérant que le bâthiment proposé par [le] maire se trouve très convenablement placé et suffisamment vaste pour être converti en presbytère, maison d'école et logement d'instituteur et maison commune, [et] qu'il y a avantage pour la commune d'acheter au prix […] stipulé (6200 francs) plutôt que de faire construire, autorise le maire à acheter le château au nom de la commune.

Le 2 mars 1865, le préfet de la Haute-Loire envoie aux maires du département un imprimé leur demandant d'indiquer, par retour du courrier, si eux et leurs adjoints font ou non partie du conseil municipal de leur commune. On se souvient que le maire et l'adjoint peuvent éventuellement être choisis en dehors du conseil municipal. Robert Saugue répond qu'avant [sa] nomination de maire [il] fais[ait] partie du conseil municipal et qu'il en fait toujours partie. Il ajoute que son adjoint, Antoine Courtine faisait aussi partie du conseil mais [qu'] il est décédé dernièrement. Il suggère de le remplacer par Pierre Cladière qui réunit selon lui les capacités voulues, vu que l'on ne peut trouver dans la commune de Saint-Vert un homme de meilleur vie et mœurs (Arch. dép. Haute-Loire, 2 M 257). Cette proposition ne sera pas retenue.
L'impopularité des maires pris en dehors des conseils municipaux, au mépris du choix des électeurs, pousse le gouvernement à publier le 29 juin 1865 une circulaire invitant les préfets à choisir les maires de préférence parmi les conseillers municipaux.

Les élections municipales ont lieu en juillet 1865. Pierre Mestre, Guillaume Chalet, Claude Magaud, Pierre Cladière, Antoine Fontanon, Gérôme Mosnier, Robert Saugue et Benoît Bœuf sont réélus. D'une élection à l'autre, le corps municipal se renouvelle peu. Guillaume Chalet, Gérôme Mosnier et Robert Saugue sont entrés au conseil en 1843, ils entament leur sixième mandat. Antoine Fontanon est entré au conseil en 1848, il entame son cinquième mandat. Pierre Cladière et Pierre Mestre entament leur quatrième mandat. Benoît Bœuf et Claude Magaud sont entrés au conseil en 1855, ils entament leur troisième mandat. Quatre nouveaux conseillers entrent au conseil : Pierre Chambon, Vital Marquet, Jacques Bard et Pierre Jacob. Sur douze conseillers, quatre - Gérôme Mosnier, Pierre Mestre, Pierre Chambon et Pierre Jacob - ne savent pas écrire leur nom.
Le 8 août, le nouveau conseil municipal, ayant appris que l'administration s'apprêtait à changer le maire de la commune, adresse une lettre au préfet :

Monsieur le préfet,

Les soussignés Bœuf, Bard, Chalet, Cladière, Marquet, Mestre, Magaud, Monier, Jacob, Fontanon, Chambon, tous élus membres du conseil municipal de la commune de Saint-Vert aux dernières élections, ont l'honneur de vous exposer qu'ils ont accepté le mandat de confiance dont leurs concitoyens ont bien voulu les honnorer avec l'espoir et la conviction que monsieur Saugues Robert, maire actuel de la commune de Saint-Vert, dont le nom est sorti le premier de l'urne électorale, serait maintenu à la tête de l'administration municipale, qu'ils ont éprouvé une grande et pénible surprise en apprenant que monsieur le sous-préfet de Brioude était dans l'intention de donner un successeur à monsieur Saugues et que l'écharpe municipale avait été offerte au sieur Bard Jean (Jacques Bard) un des signataires, ont l'honneur de vous déclarer, monsieur le préfet, soit en leur nom, soit comme interprètes des sentiments et de l'opinion de leurs concitoyens qui leur sont bien connus, que monsieur Saugues Robert qui a rempli les fonctions de maire pendant dix-neuf ans dans les temps bien difficiles jouit à juste titre de l'estime et de la considération et (de) la confiance de ses administrés, qu'aucun de nos concitoyens n'est aussi capable ni plus digne que lui, que son remplacement serait considéré comme un acte d'injustice et d'ingratitude et mécontenterait toute la population, que cette mesure n'aurait que l'approbation de quelques envieux qui n'ont pas été jugés dignes de faire partie du conseil municipal.
En présence des manifestations non équivoques de l'opinion publique et des devoirs que leur impose leur conscience et leur (fonction), les soussignés se croient obligés, monsieur le préfet, de vous offrir leur démission de conseillers municipaux de la commune de Saint-Vert si monsieur Saugues n'est pas maintenu comme maire.
Agréez, monsieur le préfet, l'expression du plus profond respect de vos serviteurs qui osent se dire vos très humbles et obéissants serviteurs.
[…]
Saint-Vert, le 8 août 1865. (Arch. dép. Haute-Loire, 2 M 257)

Tous les conseillers, y compris Jacques Bard à qui pourtant l'écharpe municipale [est] offerte, apposent leur signature ou, pour ceux qui ne savent pas écrire leur nom, une croix au bas de la lettre. Robert Saugue reste dans l'ombre, il laisse agir ses collègues. Les conseillers municipaux s'appuient sur l'opinion publique et menacent de démissionner collectivement. Robert Saugue est apprécié de ses administrés, c'est lui qui a obtenu le plus de voix aux dernières élections municipales. Le pouvoir de nomination du préfet est contesté, la commune entend conserver son maire. Mais le préfet de la Haute-Loire ne cède pas : le 26 août il nomme Jacques Bard maire de Saint-Vert et Vital Marquet adjoint. Tous deux viennent d'entrer au conseil municipal. Robert Saugue aurait-il démérité ou déplu aux autorités ? A moins que l'aisance matérielle de Jacques Bard n'ait joué en sa faveur. Il a 36 ans, est marié, a trois enfants, habite à Chalus, est propriétaire et sa fortune personnelle [est] évaluée en revenu [à] 1500 francs, soit dix fois celle de Robert Saugue. Son adjoint, Vital Marquet, a 42 ans, est marié, a un enfant, habite le bourg de Saint-Vert, est propriétaire et aubergiste, et sa fortune personnelle [est] évaluée en revenu [à] 600 francs. Le dimanche 3 septembre, ils sont installés dans leurs fonctions, ils prêtent serment. Le même jour, le nouveau maire procède à l'installation de six conseillers municipaux : Pierre Mestre, Guillaume Chalet, Pierre Chambon, Claude Magaud, Pierre Cladière et Vital Marquet. Tous déclarent accepter leur mandat et prêtent serment. Les autres conseillers sont absents sans cause valable. En nommant Jacques Bard maire de Saint-Vert, le préfet a divisé le conseil municipal dont une partie se range à la décision préfectorale et l'autre décide de ne pas se rendre à la cérémonie d'installation. Mais les contestataires ne vont pas démissionner et tout va finalement rentrer dans l'ordre. Le dimanche 12 novembre 1865, le maire procède à l'installation des membres élus et qui ne s'étaient pas présentés à la première convocation pour être installés. Antoine Fontanon, Pierre Jacob, Gérôme Mosnier, Robert Saugue et Benoît Bœuf déclarent accepter leur mandat et prêtent serment à leur tour.





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