dîmes, décimateurs et portion congrue

Frédéric Challet




La dîme est une redevance en nature exigée par l'Eglise pour assurer l'entretien des prêtres desservants. La dîme pèse en principe sur tous les revenus, mais en réalité surtout sur les produits de la terre (grains, paille, foin, chanvre, etc.) et le croît des troupeaux. La dîme est prélevée dans le champ, sitôt la récolte terminée. Les paysans font publier au prône de la messe de paroisse, ou à l'issue de celle-ci, le jour de la récolte, afin que le décimateur ou son collecteur puisse se trouver sur les lieux. La dîme ne représente pas forcément la dixième partie des fruits de la terre et des troupeaux, mais, quelquefois, la douzième, la quinzième, ou la vingtième, suivant l'usage de chaque paroisse. Dans la paroisse de Saint-Vert, les moines de La Chaise-Dieu perçoivent traditionnellement la dîme à la onzième gerbe. Il convient de distinguer les grosses dîmes, les menues dîmes et les dîmes novales. Les grosses dîmes se perçoivent sur les principaux revenus de la paroisse (tels que le seigle ou l'avoine), les menues dîmes sur les moins considérables (tels que le chanvre ou les légumes) et les dîmes novales sur le produit de terres récemment (re)mises en culture (depuis moins de 40 ans) ou nouvellement chargées de fruits sujets à la dîme.


Les restitutions de dîmes

Aux VIIIème - IXème siècles, les grands propriétaires construisent des oratoires dans leurs domaines (le domaine c'est la villa qui devient ensuite le village). Ces oratoires privés ruraux, où des prêtres célébrent la messe, se multiplient pour la commodité de tous. Les raisons évoquées sont toujours les mêmes : la longueur des chemins, les dangers des forêts et des eaux. Les oratoires deviennent peu à peu des églises paroissiales et c'est ainsi que les campagnes se couvrent de milliers d'églises rurales. Ici les limites d'une paroisse se confondent avec celles de la villa, là un groupe de villae forment une paroisse, ailleurs une villa se démembre en plusieurs paroisses. Les églises paroissiales de cette époque sont souvent en bois. Elles sont dotées de biens-fonds (de terres) destinés à l'entretien du prêtre desservant. Elles doivent avoir été consacrées par l'évêque ou avec sa permission. Les paroisses fondées à cette époque sont généralement placées sous le vocable de saints évêques mérovingiens (comme saint Vérus, évêque de Vienne au VIème siècle). Le seigneur fondateur de l'église et ses descendants nomment le desservant et lèvent les dîmes à leur profit, alors même que les dîmes sont en principe destinées à l'entretien du curé de la paroisse. Les patrons laïcs considèrent les églises paroissiales comme un élément de leur patrimoine et la dîme comme un revenu seigneurial. L'église et ses revenus (biens-fonds, dîmes, ...) sont parfois partagés entre plusieurs héritiers, vendus, échangés, ou cédés à titre de fief. A partir des Xème - XIème siècles, face aux assauts des réformateurs (monastiques et pontificaux) qui s'élèvent contre la mainmise des laïcs sur les églises paroissiales, les seigneurs laïcs abandonnent leur droit de patronage à des abbayes ou des collégiales. Ces " restitutions " d'églises et de revenus ecclésiastiques sont souvent des ventes ou des rentes-prières (le donateur demande aux moines des messes pour le repos de son âme). Cependant la plupart des seigneurs conservent les dîmes. Les dîmes en effet, le plus souvent inféodées (les dîmes inféodées sont possédées par des laïcs à titre de fief, à la charge de foi et hommage), partagées entre de multiples ayants droit, sont inextricablement enchevêtrées aux divers droits seigneuriaux et souvent cédées à des vassaux. Les " restitutions " d'églises sont très nombreuses. On assiste à un extraordinaire transfert de propriété au bénéfice des moines. Des conflits ne manquent pas d'éclater, les descendants des anciens patrons remettant parfois en cause les donations. Beaucoup d'entre eux ont réussi à conserver quelques revenus paroissiaux, notamment les dîmes. Les dîmes, fractionnées par les patrons laïcs à l'occasion des partages successoraux, sont disséminées entre de multiples mains. Il y a un émiettement des dîmes. Les abbayes s'emploient à les récupérer car elles sont d'un excellent rapport. Tout au long des XIIème et XIIIème siècles, les laïcs se défont de leurs dîmes spontanément ou sous la menace de l'excommunication. Le plus souvent, il s'agit de rachats. Les seigneurs les plus récalcitrants sont les petits seigneurs. Pour eux, abandonner les dîmes qu'ils perçoivent, c'est abandonner une part importante de leur revenu. Le curé desservant n'est pas le bénéficiaire de ces restitutions de dîmes juridiquement compliquées et financièrement assez onéreuses pour que seules les abbayes soient capables de les mener à bien. En outre, les seigneurs préfèrent restituer les dîmes aux abbayes plutôt qu'aux curés desservants car les premières sont de biens meilleurs intercesseurs pour le repos de l'âme du donateur. Aux XIVème - XVème siècles, les dîmes sont parfois encore entre les mains de seigneurs laïcs malgré les protestations de l'Eglise. Le concile provincial d'Auch de 1326 menace les laïcs détenteurs de dîmes de graves sanctions. Au XVIIème siècle, la Contre-Réforme s'accompagne d'une offensive des décimateurs contre les dîmes inféodées.

Aux XIIIème - XVème siècles, les dîmes de la paroisse de Saint-Vert appartiennent en partie aux moines de La Chaise-Dieu et en partie à des seigneurs laïcs. Le seigneur de Contournat (paroisse de Saint-Julien-de-Coppel), le seigneur de Durbiat (paroisse de Champagnac), le seigneur du Pouget (paroisse de Saint-Martin-des-Plains) et le seigneur d'Alleret (paroisse de Saint-Privat-du-Dragon) lèvent des dîmes dans la paroisse de Saint-Vert. Les moines de La Chaise-Dieu vont s'employer à récupérer ces dîmes.

La première restitution connue concerne les seigneurs de Contournat. En 1280, Estienne d'Alzon, seigneur de Contournat, donne à l'infirmier de l'abbaye de La Chaise-Dieu toutes les dîmes qu'il possède dans la paroisse de Saint-Vert (A.D. de la Hte-Loire, 1 H 282, n° 1). Mais, en 1307, un différend oppose Armand Bouche, infirmier de l'abbaye de La Chaise-Dieu et prieur de Saint-Vert, à Bompard de Contournat, seigneur de Contournat. Ce dernier prétend lever les grosses dîmes et les dîmes novales sur les terres qui lui appartiennent et qui sont de sa juridiction dans les paroisses de Saint-Vert et Laval. L'infirmier de La Chaise-Dieu proteste, soutenant que ces dîmes lui reviennent. Ils font appel à l'arbitrage de Robert, comte d'Auvergne. La sentence arbitrale qui est rendue par ce dernier stipule que les dîmes perçues sur les terres du seigneur de Contournat appartiennent à l'infirmier (y compris les dîmes de charnage - sur le croît des troupeaux - et de la laine), à l'exception de la moitié des dîmes perçues sur deux champs situés dans les mas ou hameaux de Peu Banches et des Combes qui doivent revenir au seigneur de Contournat. L'infirmier doit verser au seigneur de Contournat, en compensation, une indemnité de 15 livres, il doit en outre faire assembler ses gerbes dans la juridiction du seigneur de Contournat. La sentence arbitrale stipule en outre que la dîme des pailles des mas ou hameaux de Peu Banches, des Combes, de Solacrux, de la Griffoliere, de Jaladin, de la Sucheyre, de la Pruneyre, de Soleyris appartient au seigneur de Contournat. (A.D. de la Hte-Loire, 1 H 282, n° 4)

Les moines de La Chaise-Dieu ont eu plus de difficultés avec les seigneurs de Durbiat. En 1291, Bernard Chalayres, infirmier de l'abbaye de La Chaise-Dieu et prieur de Saint-Vert conteste à Pierre de Durbiat, seigneur de Durbiat, les dîmes que ce dernier perçoit dans la paroisse de Saint-Vert. On fait appel à deux arbitres : Robert, prieur de Mazerat, et Reymond Delmas, moine de l'abbaye de La Chaise-Dieu. Pour la part de dîmes qu'il perçoit dans la paroisse de Saint-Vert, Pierre de Durbiat est condamné à verser au prieur de Saint-Vert une redevance annuelle de 7 septiers et 1 carton de seigle et 5 septiers d'avoine, mesure de Brioude (1 septier = 174,041 litres ; 1 carton = 21,755 litres). Il doit en outre continuer à payer chaque année les 3 cartons de seigle qu'il a coutume de verser à l'église de Saint-Vert. Les deux arbitres confirment que les dîmes des mas et hameaux de Peu Milieu, de Peu Chassagnes, de Peu Banches, de Las Combes, de Las Faries (ou Farges) et leurs dépendances appartiennent bien au prieur de Saint-Vert (A.D. de la Hte-Loire, 1 H 282, n° 2). Mais la sentence ne semble pas avoir été suivie d'effet puisqu'en 1301 un différend oppose Robert Chalayres, successeur de Bernard Chalayres à l'infirmerie de l'abbaye de La Chaise-Dieu et comme prieur de Saint-Vert, à Dalmas de Durbiat et ses frères (il s'agit vraisemblablement des enfants de Pierre de Durbiat). Les de Durbiat continuent à lever des dîmes dans la paroisse de Saint-Vert (malgré la sentence arbitrale de 1291), dîmes que le prieur de Saint-Vert leur conteste toujours. Pour la part de dîmes qu'ils perçoivent dans la paroisse de Saint-Vert, les de Durbiat sont condamnés à verser au prieur de Saint-Vert une redevance annuelle de 7 septiers et 1 carton de seigle et 5 septiers d'avoine, mesure de Brioude. Ils doivent en outre continuer de payer chaque année les 3 cartons de seigle qu'ils ont coutume de verser à l'église de Saint-Vert (A.D. de la Hte-Loire, 1 H 282, n° 3). Au début du XVème siècle, des difficultés ressurgissent. Le 13 septembre 1406, Yvain de Montpezat, seigneur de Lugeac et de Durbiat, et Blanche de Montagut, son épouse, sont condamnés, par sentence rendue en la sénéchaussée d'Auvergne, à verser à Jean Chauchat, infirmier de l'abbaye de La Chaise-Dieu et prieur de Saint-Vert, la rente annuelle de 8 septiers de seigle et 5 septiers d'avoine, mesure de Brioude, pour la part de dîme qu'ils perçoivent dans la paroisse de Saint-Vert, en application de la sentence arbitrale rendue en 1291. Ils doivent en outre payer les arrérages de cette rente qu'ils ont négligé de payer (archives départementales de la Haute-Loire, 1 H 282, n° 7). Ils ne s'exécutent visiblement pas puisqu'une seconde sentence, le 6 novembre 1409, renouvelle l'obligation de verser au prieur de Saint-Vert les arrérages de la rente annuelle (A.D. de la Hte-Loire, 1 H 282, n° 9). Enfin, le 25 avril 1468, Antoine de Léotoing, seigneur de Léotoing et de Durbiat délaisse à Antoine de Vissac, infirmier de l'abbaye de La Chaise-Dieu et prieur de Saint-Vert, toutes les dîmes qu'il perçoit dans la paroisse de Saint-Vert, soit le quart de toutes les dîmes prélevées dans la paroisse. En échange, le prieur de Saint-Vert lui remet la rente si longtemps contestée, la prenant à sa charge (A.D. de la Hte-Loire, 1 H 282, n° 18).

Les parts de dîme détenues par les seigneurs du Pouget et d'Alleret sont acquises par les moines de La Chaise-Dieu au milieu du XVème siècle. Le 5 mai 1451, Antoine Sicard, seigneur du Pouget, vend à Renaud de Chauvigny, infirmier de l'abbaye de La Chaise-Dieu et prieur de Saint-Vert, les dîmes du grain et de charnage (sur le croît des troupeaux) qu'il perçoit dans la paroisse de Saint-Vert, moyennant la somme de 6 écus d'or (A.D. de la Hte-Loire, 1 H 282, n° 17). Le 28 décembre 1470, Robert d'Alleret, seigneur d'Alleret, vend à Antoine de Vissac, infirmier de l'abbaye de La Chaise-Dieu et prieur de Saint-Vert, les dîmes (tant en grains que cochons et agneaux) qu'il perçoit dans la paroisse de Saint-Vert (correspondant au huitième des dîmes prélevées dans la paroisse), moyennant la somme de 25 écus d'or (A.D. de la Hte-Loire, 1 H 282, n° 19).

En 1614, Antoine de Myet, infirmier de l'abbaye de La Chaise-Dieu et prieur de Saint-Vert, dispute à Jacques de la Salle, seigneur du Viallard (paroisse de Laval) la dîme de la paille du hameau de Pot et tènement de Las Pendelheyras dans la paroisse de Saint-Vert.
Le seigneur du Viallard perçoit chaque année, et ses prédécesseurs avant lui, cette dîme. Mais, lors de la récolte de l'année 1613, ses serviteurs se sont vus refuser la délivrance de ladite paille par Jacques Marcon et Jacques Bonnefoy, fermiers de l'infirmier de l'abbaye de La Chaise-Dieu pour le prieuré de Saint-Vert. Pour prouver qu'il est en droit de lever cette dîme, le seigneur du Viallard produit des titres établissant une possession immémoriale. En cas de contestation, il est d'usage qu'un seigneur laïc qui lève une dîme inféodée établisse par des titres (aveux, baux, partages, ...) une possession immémoriale ou centenaire lui donnant droit de continuer à percevoir cette dîme. L'infirmier de l'abbaye La Chaise-Dieu s'incline et se désiste de toutes ses prétentions. Un acte est établi (A.D. de la Hte-Loire, 1 H 283, n° 9) :

Du procès et differand meu et pandant en la senneschaulcé et siège présidial d'Auvergne à Riom entre noble Jacques de la Salle, escuié, seigneur du Viallard et autres places, demandeur en (matière) possessoire et de nouvellesse proceddant de choze réelle et (judicière) d'une part, et noble et relligieuze personne frère Anthoine de Myet, docteur en théollogie, infirmier mage de l'abbaye de La Chaze-Dieu, prieur et curé primitif de la parroisse de Saint-Vair, deffandeur, ayant p.. la cause et deffance (ou) demeure joinct avec Jacques Marcon et Jacques Bonnefoy, ses fermiers dudict prioré de Saint-Vair, deffandeurs, d'autre partie.
Dizant icelles parties, assavoir ledict seigneur du Viallard, que à cause de sadicte seigneurie du Viallard il a droict et est en bonne possession et saysine d'avoir, prandre et percepvoir annuellement les pailles, tant des bledz d'hyver que de mars, provenantz de certaines parties de dixme du village de Pot et tènement de Las Pendelheyras situé dans ladite parroisse dudit Saint-Vair, laquelle paille luy debvoit estre deslivrée chacun an après la batture des gerbes dudict dixme. Duquel droict comme à luy appartenant en propre il a jouy et ses prédécesseurs jouy ... annuellement, publicquement, paisiblement et sans contradict, au veu et sceu dudict seigneur infirmier, ses fermiers adceuseurs desdites dixmes et de tou.. autre que voir et scavoir l'ont vollu et ce de tout temps et antiennetté immémoriale, par esprès les e / ee / eee / ee et cinquante ans (dernier)
[...].
Au moyen de laquelle jouyssance et (autres) justes tiltres estant en bonne possession et saysine, néantmoins il y auroict esté troublé et empesché l'année et moyssons (dernières) mil six centz et treize par le reffuz que luy auroict esté faict ou à ses serviteurs et domestiques de luy (deslivrer) lesdites pailles
[...] par lesdictz Marcon et Bonnefoy, fermiers et adceuseurs d'ycelluy. A cause duquel reffuz ledict seigneur du Viallard, demandeur, auroict formé sa complaincte contre eulx et [conclu] en icelle à la confirmation de sesdictz droictz, possession et saysine et restitution de ladicte paille, despens, dommages et intérestz proceddantz dudict trouble.
Et de la part dudict seigneur infirmier, intervenu en ladicte instance, auroict esté dict qu'il premoict la cause et deffance de sesdits fermiers. Et au (principal) par deffance auroict (desnyé) les droictz, possession et saysine prétenduz par ledit seigneur du Viallard, demandeur, et allégué possession contraire. A quoy auroict esté repplicqué par ledit seigneur du Viallard, protestant à ses fins et conclusions de (maintenir) de sesdits droitz et possession que ladicte instance n'estoit subget ny en estat de la p.. de (cause) desdits Marcon et Bonnefoy que auroyent donné le trouble réel.
Sur quoy seroict intervenu jugement interlocutoire, le treziesme du présant mois et an, par lequel auroict esté ordonné que lesdits fermiers, deffandeurs originaires, demeureroyent en la (cause) et ledict seigneur infirmier joinct avec eulx et que le réglement donné en icelle cause a (articullé) et informé par ledict sieur du Viallard, demandeur, des faictz par luy propozés pour la (vériffication) de son droict sortiroict son plain et entié effect. Suyvant laquelle sentence, ayant ledict sieur du Viallard, demandeur, fourny de ses faictz et articles pour sur iceulx faire sa preuve et enqueste, icelles parties auroyent entre elles admize pour le bien et paix et esviter ... procès de (terminer) leurdict differend par l'advis, arbitrage de
[...] François Vignon, lieutenant général au baillage d'Arlenc, et Benoid Bardon, docteur en droictz, lieutenant particullier audict baillage d'Arlenc, entre les mains desquelz ayant respectifvement mis et produict leurs tiltres, documentz et enseignementz pour le fondement de leurs droictz et à iceulx ... faict entandre par eulz particulièrement leurs droictz, (fins) et raisons. Le tout par lesdits sieurs arbitres veu et (considéré) et icelles parties ... ont de leur advis transigé (paciffié) de leur differend, circonstance et deppandances en la forme et manière que s'ensuict [...].
Comparans par devant (Pierre) Granet, notaire royal audict baillage et baronnye d'Arlenc, ledict noble (personne) Jacques de la Salle estant seigneur du Viallard, pour luy et les siens à perpétuel d'une part, et ledit noble homme et relligieuze personne frère Anthoine de Myet, docteur en théollogie, infirmier mage de l'abbaye de La Chazadieu, prieur et curé primitif dudict Saint-Vair, tant pour luy que pour ses futurs successeurs infirmiers dudict couvant et prieurs dudict Saint-Vair à perpétuel d'aultre partie, au moyen de ... que ledit seigneur infirmier ayant veu les tiltres dudict seigneur du Viallard et de ses prédécesseurs dudit lieu ... et ... librement les pailles dudict dixme cy dessus mentionné ... et appartenir audict sieur du Viallard, demandeur, qu'il est fondé suffisemment en sondict droict et
[...] vallablement informé de la possession et jouyssance d'icelluy sieur demandeur et ses prédécesseurs et l'avoir faict et (constignué) par temps immémorial. Conséquemment a promis et promet audict sieur du Viallard, demandeur, luy faire randre et restituer les pailhes ou la (juste) valleur d'icelles pro.. dudict dixme les moissons (dernières) et de (constignuer) ou faire (constignuer) par cy après perpétuellement la (deslivrance) d'icelle paille dans ledict tènement et village de Pot et Las Pendelheras, ainsy que de tout temps et antienneté a esté accostumé, et que annuellement procedderont dudict dixme en conf.rmation (dessus dit) droictz, possession et saysine.
Ce que ledict sieur du Viallard a accepté et accepte par ces présentes, sans préjudice des autres droictz qu'il a accostumé de prandre et lever annuellement sur autres ... villages, mas et tènementz dudict prieur dudit Saint-Vair.
Icelles dites parties se sont desparties dudict procès et differends sans autre despans, dommages et intérestz de part et d'autre. Et par le moyen de laquelle promesse, lesdits Marcon et Bonnefoy sont demeurés quictes envers ledit seigneur du Viallard de la restitution de ladicte pailhe de ladicte année dernière, ensemble aussy de tous despans, dommages et intérestz
[...].
Donné audict Arlenc, en la maison et logis d'habitation dudict sieur Vignon, en présence de noble Anthoine de Myet ... prieur
[...] honnorable (personne maistre) Jacques Cavard, notaire royal à Champagnac, et Martin (Beylot) [...], aussy relligieuse personne frère Barthellemy Nempde, relligieux de ladite abbaye, (tous) soubzsignés avec lesdites parties contractantes à l'original le (lundi) vingt troysième jour du mois de juin, entour (trois) heures après-midi, mil six centz quatorze. [...]

Pourtant, un siècle plus tard, les moines de La Chaise-Dieu finissent par avoir gain de cause. Le 16 janvier 1711, Jean de Miramont, seigneur du Viallard, vend aux religieux de l'abbaye de La Chaise-Dieu, moyennant la somme de 500 livres, la dîme du blé et de la paille qu'il possède dans le hameau et tènement des Combes et la dîme de la paille qu'il possède dans le hameau de Pot et tènement de La Pendilieyras (A.D. de la Hte-Loire, 1 H 283, n° 17 et 18) :

L'an de grâce ... mil sept cens onze et le (16ème jour) du mois de janvier, avant mi(di) [sous le règne du] très haut et très souverain Louis quatorze, roy de France et de (Navarre), pardevant le notaire royal ... en la ville de La Chaize-Dieu [en] présence des tesmoings cy ap.. dans l'abbaye de ladite ville de (La Chaise-Dieu), fut présent en personne messire Jean de Miramont, escuyer, seigneur du Viallard, Saint-Didier, le Bêteil et autres ... places, résidant en son château du Viallard, parroisse de Laval.
Lequel, de gré et bonne vollonté, a rendu, ceddé, quitté, remiset, transporté et par ces présentes vend, cedde, quitte, remest et transporte à tiltre de vente pure, perpétuelle, irrévoquable et pour toujours, avec promesse de garantir, fournir et faire valloir enver.. et contre tous, à
[...] reverand père Dom Guy Buisson, prieur mage de ladite abbaye de La Chaize-Dieu, Dom Mareclain Pinel, souprieur, Dom Léonard Senamaud, Dom Pierre Bretanges, Dom Antoine Carmantra.., Dom Pierre Michelet, Dom Claude Boutaud, Dom Gilbert Berard, Dom Antoine Cochard, Dom Pierre Maloet, Dom Michel Dulac, (Dom Gaspard) Fillon, Dom Benoict Jourda [...], frère Jean Clément, [...] frère Léonard Descordes, frère Joseph ., frère Pierre Constant, frère Pierre Molinier ... tous relligieux profès de ladite (abbaye) ..., présents et acceptants, et à leurs ... ... scavoir la dixme du bled et paille (appar)tenant audit seigneur de Miramont qui se ... perçoit sur le village et tènement (des) Combes, parroisse de Saint-Vert, élection d'Yssoire, (conte)nant vingt septerées, que ce confine par (les) terres des habitans de la Chaud partie d'orient, les prés et terres des habitans des Combes ... d'orient et midy, les terres des habitans (de) Roure, le chemin allant de Saint-Vert à Brioude (entre) deux de bize et partie de nuict, avec les terres des habitans des Combes aussy de nuict.
Plus ledit seigneur de Miramont a vendu, comme devant, la paille d'une dixme en grains du village du Post et tènement de La Pendilieyras, aussy scis et scitué dans laditte parroisse de Saint-Vert, de l'estendue d'entour deux cens septerées de terre, que ce confine par le ruisseau Dollon d'orient, les prés et terres des habitans du Jaladif et de Peupouget de midy, le rif appellé Les Prés des Rif de nuict, et les terres des habitans de la Chaud allant joindre autrement appellé La Rochete et champt de Robert Morel, bois et champt de Vidal Maistre et de Benoict ., certain tertre et muraille entre deux séparant la Justice de Châteauneuf avec celle dudit seigneur du Viallard de bize. La dixme en grain dudit village et tènement appartenant auxdits sieurs relligieux.
Le tout vendu avec les plus autres justes confins et avec les droicts, aisances, servitudes et appartenances quelconques, quitte de touttes charges foncières et autres générallement quelconques jusques au présent jour. Desquelles deux dixmes, cy devant expliquées et confinées, s'en est ledit seigneur de Miramont desmis et desvêtu en faveur desdits sieurs relligieux
[...]
Et pour par lesdits (sieurs) relligieux jouyr et se mettre en pocession desdites dixmes avec plus de suretté, ledit seigneur du Viallard a présentement deslivré auxdits sieurs relligieux un ... en simple papier, intitulé processus, factus, coram, domino captellano ... petrum Vignial en dacte du 3ème février mil six cens quinze, receue et signée par Cavard et Raby, notaires royaux, avec une transaction touchant les pailles des dixmes du village du Post et tènement de La Pendilieyras, receu Granet, notaire royal, l'an 1614, le 23ème juin, avec promesse de remettre les autres tiltres qu'il trouvera dans son château ou ailleurs.
Fait dans ladite abbaye, présents messire Pierre Gautier, docteur en théologie, prestre et curé de Laval, et de messire Joseph Choutard, praticien habitant de ladite Chaize-Dieu, soubsignés avec lesdites partyes lesdits jour et an saize janvier mil sept cens onze, avant midy.
[...]

Désormais, il n'y a plus de dîmes inféodées, toutes les dîmes de Saint-Vert appartiennent aux moines de La Chaise-Dieu. Cependant, au sein même de l'abbaye, la perception des dîmes peut provoquer des conflits d'intérêt. Ainsi, en 1371, un différend oppose Guillaume IV, abbé de La Chaise-Dieu, à Pierre Vanier, infirmier de l'abbaye de La Chaise-Dieu et prieur de Saint-Vert. Ils se disputent la dîme d'un champ, situé dans la paroisse de Saint-Vert, appelé Lo Conts, qui jouxte le bois de Petinho et le mas de Peu Milieu. Un jugement rendu le 24 juillet de la même année attribue finalement cette dîme à l'infirmier (A.D de la Hte-Loire, 1 H 282, n° 6).


La portion congrue

Il convient de distinguer les curés décimateurs (ils perçoivent la plus grande partie des dîmes de leur paroisse) et les curés congruistes. Le curé de Saint-Vert est un congruiste. Curé primitif de Saint-Vert, l'abbaye de La Chaise-Dieu perçoit la plus grande partie des dîmes de la paroisse : elle est gros décimateur. Le curé primitif est le fondateur de l'église. Il jouit à ce titre du droit de patronage. Quand une église a été fondée par un laïc, puis " restituée " à une abbaye, celle-ci hérite du titre de " curé primitif ". Le curé primitif a le droit de célébrer le service divin aux quatre fêtes solennelles et le jour du saint patron, et ces jours-là celui de percevoir la moitié des oblations et offrandes. Les moines de l'abbaye de La Chaise-Dieu nomment le curé desservant, également appelé vicaire perpétuel, et lui versent une portion congrue, c'est-à-dire une pension annuelle fixe, en nature (en grains) ou en argent. Les gros décimateurs se contentent, généralement, de lever les grosses dîmes et laissent les dîmes menues et novales aux curés congruistes. En outre, en guise de paiement de tout ou partie de la portion congrue, les gros décimateurs abandonnent souvent aux curés congruistes une partie des grosses dîmes.
Quand un curé congruiste perçoit une partie ou la totalité de sa portion congrue en nature, il a la charge de vendre les denrées qu'il reçoit. Ces denrées sont en outre sujettes aux fluctuations des prix. Aussi, les curés congruistes préfèrent-ils être payés intégralement en argent.
Les gros décimateurs doivent aussi verser une pension au vicaire secondaire et ils sont chargés de l'entretien et des réparations du choeur de l'église paroissiale, mais aussi des murs, de la couverture et de la croix du clocher si celui-ci est bâti sur le choeur. Le reste de l'église, et en particulier la nef, est à la charge de la communauté d'habitants.
Les gros décimateurs doivent en outre fournir les ornements et les livres de culte. En 1786, par exemple, les moines de La Chaise-Dieu donnent à l'église de Saint-Vert trois ornements (un en soie rouge avec une dentelle de couleur or, un en soie un peu usé avec un galon de couleur or et un en camelot noir). En 1787, ils donnent un graduel, un vespéral, deux missels, deux aubes et un linge. En 1788, ils donnent une chape en soie neuve (A.D. de la Hte-Loire, V dépôt 22, n° 1).

Dès le Moyen-Age, les conciles se préoccupent d'obliger les gros décimateurs à verser aux curés congruistes une rémunération suffisante (une portion convenable de la dîme, dite portion congrue) pour leur permettre de vivre d'une manière décente, mais sans fixer de montants précis.
C'est le pouvoir séculier qui s'en charge. L'édit royal du 16 avril 1571 établit le montant de la portion congrue des curés à 120 livres par an. L'ordonnance royale du 15 janvier 1629 augmente la portion congrue qui passe à 300 livres par an. Mais les décimateurs se plaignent de cette augmentation et obtiennent la déclaration royale du 17 août 1632 qui réduit la portion congrue à 200 livres pour les diocèses de Bretagne et ceux au-delà de la Loire. La déclaration du 18 décembre 1634 uniformise dans tout le royaume le montant de la portion congrue : au nord comme au sud de la Loire, elle est fixée à 200 livres pour les curés qui n'ont pas de vicaire et à 300 livres pour ceux qui en ont un.
Jean-Claude Barjon, curé de Saint-Vert de 1650 à 1694, demande et obtient, en 1658, des moines de La Chaise-Dieu le versement d'une pension annuelle de 200 livres en échange de l'abandon des parts de dîmes qu'il perçoit dans la paroisse (A.D. de la Hte-Loire, 1 H 283, n° 14) :

[Accord] entre messire Claude Barjon, prêtre, vicaire perpétuel de la paroisse de Saint-Vair et les religieux de l'abbaye de La Chaise-Dieu, prieurs dudit lieu de Saint-Vair. Sur ce que ledit sieur Barjon disoit qu'à cause de la vicairie perpétuelle il auroit droict de demander auxdits sieurs prieurs sa portion congrue de deux cent livres conformément à la déclaration de Louis treize [...] en abandonnant tous les dixmes et domaines de ladite cure, à l'exclusion néanmoins des fondations et obits et du creux de l'église, à quoy lesdits religieux entendoient exciper et dire plusieurs choses importantes qui auroient causé un grand procès pour à quoy obvier et nourrir paix et amitié entre lesdites parties elles sont convenues par ensemble ainsy que s'ensuit [...] pardevant le notaire royal soussigné et tesmoings bas nommés.
Personellement establis ledit messire Claude Barjon, prêtre et vicaire de ladite paroisse de Saint-Vair pour luy d'une part et révérend père Dom Joachin Emeri, religieux de l'abbaye de La Chaise-Dieu faisant pour toutte la communauté de ladite abbaye, pour luy et lesdits révérends pères d'autre partie. Lesquelles parties de leur gré ont du différent transigé comme s'ensuit ascavoir que doresnavant lesdits religieux de ladite abbaye en qualité de prieurs dudit Saint-Vair donneront audit sieur Barjon la somme de deux cent livres pour toutte pension congrue payable par quartier par advance de trois en trois mois qui a commencé au premier jour de novembre dernier moyenant quoy ledit sieur Barjon tant pour luy que pour ses successeurs à l'advenir a abbandonné auxdits sieurs religieux touttes les dixmes tant anciennes que novalles de ladite paroisse et domaines de la cure à l'exception néanmoins des obits et fondations et du creux de l'église qui demeure audit sieur Barjon et à ses successeurs. Pour la pension du vicaire secondaire, lesdits sieurs religieux payront audit sieur curé sept septiers de bled annuellement mesure de l'infirmerie et la somme de trente livres. Et ce faisant lesdites parties se despartent de tous procès et sans despans de part et d'aultre, ladite quantité de bled et argent pour ledit vicaire ayant esté desja payée (de)puis le jour de la Toussaincts dernier par advance et se payra à l'advenir à ladite feste Toussaincts car tout ce dessus ainsy lesdites parties l'ont voulu et accordé, promis et juré
[...]. Et au payment de ladite pension, tant dudit sieur Barjon que de son vicaire, a ledit révérend père obligé les biens et revenus dudit couvent. Et ledit sieur Barjon [...] a obligé ses biens [...].
Faict et passé dans ladite abbaye en présences de messire Claude Morel, appoticaire, et Jean de Lasalle, seigneur de La Garde, qui ont signé avec les parties et Jean Cavard qui n'a signé. Le quatorziesme mars mil six cent cinquante huict.
Pareillement a esté accordé entre lesdites parties que ledit sieur Barjon payra ses décimes ordinaires et extraordinaires à Saint-Flour, desquelles lesdits sieurs religieux luy tiendront compte en rapportant les quittances données comme dessus.
[...]

La déclaration royale du 29 janvier 1686 établit ensuite le montant de la portion congrue des curés à 300 livres par an. Pour bénéficier de cette augmentation, ils doivent cependant abandonner aux gros décimateurs les dîmes qu'ils perçoivent dans la paroisse, à l'exception des dîmes novales qui leur sont reconnues de droit. Les vicaires ont droit désormais à une somme particulière de 150 livres également due par les décimateurs.
L'édit royal de mai 1768 indexe la portion congrue des curés sur le prix du blé, en l'établissant à 25 septiers de blé mesure de Paris, évalués, à cette date, 500 livres. Cette augmentation est rendue nécessaire par la dépréciation de l'argent et la hausse des denrées de première nécessité. Pour bénéficier d'une portion congrue de 500 livres, les curés doivent cependant abandonner aux gros décimateurs toutes les dîmes qu'ils perçoivent dans leur paroisse, y compris les dîmes novales. Les curés qui " optent " pour la congrue de 500 livres et l'abandon des dîmes doivent faire insinuer un acte d'option au greffe des insinuations ecclésiastiques de leur diocèse. Le curé de Saint-Vert de l'époque, Jean Collanges, a abandonné dès juillet 1767 aux moines de La Chaise-Dieu toutes les dîmes novales qu'il possédait et auxquelles il aurait pu prétendre à l'avenir dans la paroisse de Saint-Vert, moyennant le versement d'une redevance annuelle de 6 septiers de seigle (A.D. de la Hte-Loire, 1 H 283, n° 19) :

Furents présents révérand père Dom Estienne Perrot, grand prieur, Dom Alexis Durand, souprieur, Dom Lamartinière, doyen, Dom Guillaume Delhort, Dom Chassaing, Dom Berthonnet, Dom Bernard, Dom Lefaivre, Dom Senamaud, Dom Maussier, Dom Johany, Dom Huguet, prieur décimateur de la parroisse de Saint-Vert et dépendances.
Et messire Jean Collanges, prêtre et curé de la parroisse de Saint-Vert, habitant audit Saint-Vert, d'autre part.
Lesquels parties sont convenues entre elles, scavoir que ledit sieur Collanges, comme curé vicaire perpétuelle de ladite parroisse de Saint-Vert, prétendoit à ladite qualité luy appartenoit plusieurs novailles pour raison de plusieurs défrich(ements) faits dans l'enciente de ladite parroisse dont lesdits sieurs religieux en qualité de prieur décimateurs de ladite parroisse.
Ce quoy étoit sur le point d'ocassionner entre eux beaucoupt de litige et procès. Et pour lesquels éviter les parties ont traitté comme s'ensuit, scavoir est que lesdits sieurs religieux s'obligent, pour dédomager ledit sieur Collanges de touts et chacuns les novailles qu'il peut et pourroit à l'avenir prétendre dans ladite parroisse, de luy payer annuellement et sy longuement qu'il sera possesseur de ladite cure de Saint-Vert la quantité de six septiers soigle, mesure de Brioude, bon grain, pur et net, à chacunne feste de Saint-Michel, ainsy continuer comme dit est, ce quy a été accepté par ledit sieur Collanges.
Et au moyent de ce, ledit sieur Collanges se démet par ses présentes de toutes les nouvailles prévuees et à prévoirs dans toute l'entendue de ladite parroisse de Saint-Vert généralement quelconques ensemble d'une chènevière joignant au château qu'il jouissoit pour partie de ses nouvailles quy demeure dès à présant au pouvoir desdits sieurs religieux et promet ne venir contre ce que dessus pendant tout le tems qu'il sera possesseur de la susdite cure de Saint-Vert.
Et pour l'exécution des présentes lesdites parties y obligent tous et un chacuns leurs biens
[...], fait et passé dans ladite abbaye en présence de messire Louis Dupuy, commissaire aux droits seigneuriaux, et Jean Bonneval, marchand habitant de ladite Chaise-Dieu, soubsignés avec les parties le dix-septième juillet mil sept cent soixante sept, après midy.

En 1777, la portion congrue du curé de Saint-Vert est de 500 livres. Elle lui est payée en quatre versements de 125 livres chacun, à raison d'un par trimestre : en janvier, avril, juillet et octobre (archives départementales de la Haute-Loire, 1 H 374). En 1786, la portion congrue du curé de Saint-Vert est toujours de 500 livres. Une quittance signée par Claude Champanhac (curé de Saint-Vert de 1785 à 1804), datée du 30 juillet 1786, nous apprend en effet qu'il vient de recevoir de Jean Curabet, régisseur des moines de La Chaise-Dieu à Saint-Vert, la somme de 250 livres représentant six mois de portion congrue (A.D. de la Hte-Loire, 1 H 283, n° 55 à 110).
La déclaration royale du 2 septembre 1786 porte la portion congrue des curés à 700 livres par an, celle des vicaires à 350 livres. Dès l'année suivante, la portion congrue du curé de Saint-Vert passe effectivement à 700 livres : une quittance de Claude Champanhac, datée du 6 mai 1787, nous apprend en effet qu'il vient de recevoir de Jean Curabet la somme de 350 livres représentant la moitié de sa portion congrue (A.D. de la Hte-Loire, 1 H 283, n° 55 à 110).

Les curés jouissent, en plus de leur portion congrue, du casuel, qui consiste en offrandes et honoraires versés par les fidèles à l'occasion de l'administration de certains sacrements. Les messes de fondation, créées par voie de donation ou de legs, constituent une autre source de revenus pour les curés. A une cure sont associés des domaines ou biens-fonds (terres, bâtiments, ...) qui sont entre les mains du curé ou du patron.
Les curés sont astreints au paiement de la décime. Il s'agit d'une contribution payée au roi par le clergé de France : une somme globale, fixée par la Couronne, est répartie entre les diocèses et, à l'intérieur des diocèses, entre les bénéficiers. Beaucoup de curés ont une servante, qu'il doivent rétribuer. De plus, la desserte des hameaux éloignés exige souvent l'acquisition et l'entretien d'un cheval.
Toutes les études récentes montrent que, sous l'Ancien Régime, la situation matérielle des curés est convenable. Ils vivent dans une moyenne aisance et peuvent même faire figure de notables au sein de la communauté villageoise.


L'affermage des dîmes

Les gros décimateurs afferment le plus souvent les dîmes, afin d'éviter les multiples tracasseries et contestations qui surgissent au moment de la levée. Les fermiers des dîmes versent aux décimateurs une somme convenue à l'avance, lèvent les dîmes, souvent sans ménagement, et en revendent le produit.
Ainsi, les moines de La Chaise-Dieu ne prélèvent-ils pas eux-mêmes les dîmes de la paroisse de Saint-Vert. Ils les afferment par lots. On distingue 9 lots :

- le village de Saint-Vert, Comps, le Moristel
- les Mazeaux, les Macans et la Font de Faux
- le Sarret
- la Faye, Recolle, Chevany et les Fonds
- Chalus, Peymian, les Gorsses et Chanalhiat
- le Fiou, la Pouille et Longevialle
- Pot, las Pendarias
- Barry et Peubanchy
- Pépouget et les Combes

L'adjudication de ces différents lots se fait un dimanche dans l'année, sur la place publique de Saint-Vert, " au plus offrant et dernier enchérisseur " (archives départementales de la Haute-Loire, 1 H 283, n° 21-54). Les fermiers des dîmes s'engagent à apporter le montant convenu en nature (seigle et avoine) au grenier du prieuré de Saint-Vert, à la Saint-Michel (29 septembre). Un contrat d'affermage est établi par un notaire. Voici le contrat d'affermage des dîmes de la paroisse de Saint-Vert conclu le dimanche 8 juillet 1764 (A.D. de la Hte-Loire, 1 H 183, n° 21-54) :

Pardevant le notaire royal soubsigné résidant à La Chaize-Dieu et présent les témoins bas nommés aujourd'huy dimanche huitième juillet mil sept cent soixante quatre à la réquizition de révérand père Dom Jacques Gerodias, prêtre religieux bénédictin et soucellerier de l'abbaye royalle de Saint-Robert de La Chaize-Dieu, faizant tant pour luy que pour messieurs les autres religieux de ladite communautté et convant, lequel nous a dit et remontré vouloir faire procéder à l'adjudication et étrousse des dixmes à eux appartenantes et quy ont droit de percevoir et ont étes perceues en la manière ordinaire dans les parroisses de Saint-Vert, Laval et Fayet au plus offrant et dernier enchérisseur de quelques nature de grains quy peuvent se reculir dans lesdittes trois parroisses et sur les percières cy apprès énoncées, aux charges et condictions par chacun des adjudicataires desdittes percieres de dixmes quy leur seront adjugées et étroussées conjoinctement et solidairement de payer et porter au grenier du prieuré dudit Saint-Vert, à la mezure de l'infirmerie, à la feste de Saint-Michel, pour la présente année seulement, les quantités de grains façon de dixmes un tier soigle et un tier avoine auxquelles lesdittes percières de dixmes leurs seront adjugées bon grains pur et net sujet au crible et à la susdite mezure de l'infirmerie, et à la charge par lesdits adjudicataires de payer les fraits et controlle desdites étrousses chacuns à leur égard des susdites percières de dixmes.
Auxquelles étrousses et enchères a été ce jourd'huy et à la place publique dudit Saint-Vert où l'on a accoutumé de faire lesdites enchères et etrousses de dixmes proceddé au plus haut melleurs et derniers enchérisseurs en la manière accoutumée.
Premièrement la parroisse de Saint-Vert
Les Mazaux, les Maquants et Fonds-Faux : Ladite percière, apprès plusieurs enchères, a été étroussée à Guillaume Maistre et Antoine Saugues, habitants du lieu des Mazaux, conjoinctement et solidairement, à la quantité de vingt-un septiers grains façon de dixme, payable comme dessus, bon grain pur et net sujet au crible. Ont déclarés ne scavoir signer de ce enquis et sommés le huitième juillet mil sept cent soixante quatre.
Post, las Pendarias : Laquelle percière, apprès plusieurs enchères, a été adjugée, pour la présente année seulement, à François Dosmat de Post, Joseph Romaignon du Jaladif et Vital Dosmat de Pontjullie, à la quantité de quinze septiers grains façon de dixme, payable comme dessus. Ont déclarés ne scavoir signer de ce enquis et sommés le huitième juillet mil sept cent soixante quatre.
Barry, Pubanchy : Laditte percière, apprès plusieurs enchères, a été étroussée à Jean Magaud et Pierre Bonhoure du lieu de Post, parroisse de Saint-Vert, conjoinctement, à la quantité de quatorze septiers deux cartons façon de dixme, bon grain pur et net, payable comme dessus. Ont déclarés ne scavoir signer de ce enquis et sommés le huitième juillet mil sept cent soixante quatre.
Pépouget, les Combes : Laditte percière, apprès plusieurs enchères, a été adjugée à Germain Toutel de Pépouget et Guillaume Maistre des Combes, conjoinctement, à dix-huit septiers six cartons façon de dixme, bon grain pur et net sujet au crible, payable comme dessus. Ont déclarés ne scavoir signer de ce enquis et sommés le huitième juillet mil sept cent soixante quatre.
Comps, le Morestel : Cette percière, apprès plusieurs enchères, a été étroussée à Louis Cladières du moulin de la Roche, parroisse de Saint-Vert, à douze septiers six cartons façon de dixmes, bon grain pur et net sujet au crible, payable comme dessus. A déclaré ne scavoir signer de ce enquis et sommé ledit jour et an huitième juillet mil sept cent soixante quatre.
Chalus, Pemiam, les Gorsses et Chanalhiat : Laditte percière, apprès plusieurs enchères, a été étroussée à Jean Maistre dit le Fort, Claude Mège, Jacques Suchères de Chalus et Vital Bouchet du Morestel, conjoinctement, à la quantité de vingt septiers façon de dixme, bon grain pur et net sujet au crible, payable comme dessus. Ledit Bouchet a signé, les autres ne l'on seu de ce enquis et sommés ledit jour huitième juillet mil sept cent soixante quatre. Signé Bouchet.
Le Sarret : Cette percière a été étroussée à Claude et Joseph Oléon à vingt-sept cartons grains façon de dixme. Ont déclarés ne scavoir signer de ce enquis et sommés lesdits jour et an.
La Faye, Recolat et Chavaigny : Laditte percière, apprès plusieurs enchères, a été étroussée à Jean Maistre de Chalus, dit le Fort, Vital Sampoix de La Faye et Antoine Magaud (des Font), solidairement, à vingt-six septiers grains façon de dixme susdite mezure, payable comme dessus. Ont déclarés ne scavoir signer de ce enquis et sommés ledit jour huitième juillet mil sept cent soixante-quatre.
[...] Fait et clos audit bourg de Saint-Vert et à la place publique des enchères desdittes dixmes, en présence de messire Jean-Baptiste Gautier, prêtre, vicaire dudit lieu, soubsigné, et de Verin Maistre, hoste, et plusieurs autres quy ont déclarés ne scavoir signer de ce enquis et sommés le huitième juillet mil sept cent soixante-quatre, apprès midy. Signé (frère) Jacques Gerodias, soucellerier, Gautier, vicaire.
Etrousses de dixmes desdites trois parroisses cy-dessus énoncées pour la quantité de trois cents six septiers un carton, deux tiers soigle et un tier avoine, à raizon de huit livres le septier soigle et six livres le septier d'avoine.
[...]

En 1764, les dîmes de la paroisse de Saint-Vert permettent aux moines de La Chaise-Dieu d'engranger 131 septiers et 1 carton de grains (sans compter les dîmes du village de Saint-Vert, du Fiou, de la Pouille et de Longevialle). Il s'agit pour les deux tiers de seigle et pour un tiers d'avoine. A raison de 8 livres le septier de seigle et 6 livres le septier d'avoine, cela représente, en argent, environ 960 livres. Une vingtaine d'année plus tard, en 1785, les dîmes de la paroisse de Saint-Vert permettent aux moines de La Chaise-Dieu d'engranger 163 septiers et 2 cartons de grains.

Les fermiers des dîmes de la paroisse de Saint-Vert sont presque toujours des habitants de la paroisse, ils habitent le plus souvent un des hameaux du lot qu'il prennent à ferme. En outre, d'une année à l'autre, les fermiers des dîmes sont assez souvent les mêmes. Vital Sampoix, de la Faye, est mentionné à sept reprises entre 1764 et 1785 (quatre fois pour le lot comprenant la Faye, Recolle, Chevany et les Fonds, deux fois pour le Sarret et une fois pour le lot comprenant les Mazeaux, les Macans et la Font de Faux). Si la plupart des contrats d'affermage sont passés pour un an, quelques-uns sont conclus pour plusieurs années. Pour supporter la charge de l'affermage certains se regroupent. Ainsi voit-on, en 1780, Jean Delorme, Armand Maistre et François Chambon prendre à ferme conjointement et solidairement les dîmes de Chalus, Peymian, les Gorsses et Chanalhiat pour un montant de 30 septiers de grains et 8 poulets qu'ils s'engagent à verser aux moines de La Chaise-Dieu. Il arrive aussi qu'un fermier des dîmes afferme la même année les dîmes de plusieurs lots. En 1785, François Maistre prend à ferme les dîmes de Pépouget, des Combes, du Fiou, de la Pouille, de Longevialle, de la Faye, de Recolle, de Chevany, d'Osfond et, conjointement avec trois autres fermiers, du village de Saint-Vert et du Moristel (A.D. de la Hte-Loire, 1 H 283, n° 21-54).
Les fermiers des dîmes versent parfois, en plus des grains, des bottes de paille ou des poulets. Le contrat d'affermage de la dîme de " Post, las Pendarias " prévoit le versement de 15 septiers de grains et 15 bottes de paille en 1777, et de 13 septiers 4 cartons de grains et 4 poulets en 1779 (A.D. de la Hte-Loire, 1 H 283, n° 21-54).





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