la taille et les consuls à Saint-Vert

Frédéric Challet



La taille est un impôt royal portant sur les biens et les revenus des Français. Chaque année, le montant global de la taille est fixé par le roi et réparti entre les généralités du royaume, puis, à l'intérieur de chaque généralité, entre les élections, et enfin, à l'intérieur de chaque élection, entre les paroisses. Chaque paroisse se voit imposer une somme globale, variable d'une année à l'autre. Ainsi, pour Saint-Vert, le montant total de la taille est de 2800 livres en 1716, 2700 livres en 1717, 2100 livres en 1734. Le département de la taille entre les paroisses se fait en fonction des enquêtes des subdélégués sur l'état des paroisses : l'administration tient compte de la situation géographique (plaine ou montagne) et économique (bonne ou mauvaise récolte, état du commerce) de la paroisse (Arch. dép. Puy-de-Dôme, 1 C 2852).
Dans chaque paroisse, la communauté d'habitants est responsable de la levée des impôts royaux. Pour répartir et collecter la taille, l'assemblée des habitants désigne des consuls. A cette occasion, un notaire dresse un procès-verbal :

Aujourd'huy dimanche neufviesme jour de septembre milz six centz soixante-onze à ... de vespres devant la porte de l'esglize lieu d'assamblée à la manière acostumée du bourg et parroisse de Saint-Vert ont comparut Anthoine Besset, Benoid Porte, Pierre Granoulhet, Guilhaume Delasagne, tous collecteurs dudit bourg et parroisse pour l'année pressante 1691, assistés de la plus grand partie des habitants dudit bourg et parroisse ... ... de messires Vidal Maistre, Robert Morel, Mathieu Pascal, Guilhaume Marchand, Simont ..., Benoit Virat, Jean Allezard, Jean ..., Jamet Granoulhet, Benoit Chambon, Guilhaume Bressollet.., .erard Pichot, Simont Mosnier, Jacmet Magaud, Anthoine Porte, Vidal Porte, Anthoine Espe.el, Jean Jacob, François Riomet, Vidal Mosnier, Vidal Ricoux, Claude Magaud, Bertellemy Olleon, tous habitants dudit bourg et parroisse, qui.. ont nommés pour collecteurs pour faire la levée des deniers royaux pour l'année prochaine 1692 messires Jean Raby filz à feu Robert habitant dudit bourg, Jacmet Saby habitant de Losfond, Jean Olleon habitant de La Faye, Anthoine Poughon habitant du lieu de La Poulhie, tous habitants dudit bourg et parroisse dudit Saint-Vert. [...]
(Arch. dép. Puy-de-Dôme, B IS 1052)

Les consuls sont obligatoirement des taillables de la paroisse. Ils changent tous les ans. Afin d'assurer le renouvellement annuel des consuls, et donc de garantir la bonne rentrée de l'impôt, la déclaration royale du 1er août 1716 impose le système de l'ordre du tableau pour la désignation des consuls. Il s'agit de programmer, de planifier le recrutement des consuls. L'assemblée des habitants de la paroisse de Saint-Vert ayant négligé de nommer des consuls pour l'année 1717, l'administration s'en charge et désigne comme consuls Vital Mestre, Jeamet Morel et son beau-frère Jean Bard, Pierre Marquet et Jean Raby, cabaretier (Arch. dép. Puy-de-Dôme, 1 C 2852).
Le 1er mai 1722, à la réquisition des consuls, l'assemblée des habitants de la paroisse de Saint-Vert se réunit, à l'issue de la messe paroissiale, sur la place du village, pour procéder au récolement du tableau. Le tableau couvre les dix années à venir, de 1723 à 1733. Les habitants de la paroisse de Saint-Vert sont divisés en quatre catégories : celle des privilégiés (le curé et son vicaire), dispensés de la collecte de la taille, celle des pauvres (46 chefs de feux) ou infirmes, également dispensés, celle des contribuables les plus imposés et celle des contribuables de situation intermédiaire (Arch. dép. Puy-de-Dôme, B IS 1052).
Responsables de la rentrée de l'impôt sur leurs propres deniers, les consuls sont choisis parmi les taillables solvables car ils doivent être en mesure de payer à la place des contribuables défaillants. Les pauvres sont donc exemptés du consulat. Le tableau de Saint-Vert pour les années 1723 à 1733 prévoit trois consuls par an. Sont systématiquement associés deux consuls appartenant à la classe la plus imposée de la paroisse à un consul appartenant à la classe intermédiaire, sans doute afin de soumettre un maximum de personnes au consulat tout en garantissant la solvabilité du groupe de collecteurs (Arch. dép. Puy-de-Dôme, B IS 1052).
Le récolement du tableau doit se faire chaque année, au mois de mai. Une ordonnance de l'Intendant d'Auvergne du 9 août 1723 constate que les paroisses de la généralité de Riom se soustraient à cette obligation et enjoint aux consuls en place de procéder, le premier dimanche du mois de septembre, au récolement de leur tableau (en vue de la nomination des consuls de 1724) dans une assemblée des habitants de leur paroisse. Il s'agit [d']oster [du tableau] ceux qui [sont] décédez ou qui ne [sont] plus en estat d'estre collecteurs, et d'y ajoûter les habitans qui [sont] devenus sujets à la collecte. L'acte de récolement doit être remis par les consuls au greffe de l'élection dans les huit jours qui suivent l'assemblée, à peine de cinquante livres d'amende contre chacun [des consuls], et de répondre en leurs noms du retardement du recouvrement des impositions (Arch. dép. Puy-de-Dôme, 1 C 4069). Le dimanche 26 septembre 1723, les consuls de la paroisse de Saint-Vert communiquent à l'assemblée des habitants l'ordonnance de l'Intendant :

Aujourd'huy dimanche vingt-sixiesme jour de septambre mil sept cens vingt-trois, pardevant le notaire royal soussigné et en présance des témoins cy apprès nommés, à la place publique du lieu de Saint-Ver se sont comparus Germain Touttel, Armand Maistre et Claude Magaud, collecteurs de ladite parroisse de Saint-Ver l'année présante mil sept cens vingt-trois, au son de la cloche se sont assamblés à la manière accoutumée messires Jean Raby, Antoine Magaud, Jacques Besseyres, Pierre Merle, Antoine Besset, Antoine Astier, Claude Astier, François Bat..e, Jean Chaslet, Vital Maistre, autre Vital Maistre, Jacmes M., Antoine Marchand, Benoit Sarre, Jean Mosnier, Gilles Oléon, Guilhaume Lasaigne, Sébastien Chaslet, tous princippaux habitans de ladite parroisse et faisant la majeure partye d'icelle, ausquels ils ont remontré leur avoir esté envoyé l'ordonnance de monseigneur l'Intandant en datte du neufviesme aoust dernier quy ordonne ausdits remontrans de faire procedder au récolement de leurs tableaux pour la nomination des consuls de l'année prochaine 1724 et d'en oster ceux quy seront décéddés ou q.. ne seront plus en estat d'estre collecteurs et d'y adjouter les habitans quy seront devenus subjets à la collecte, lequel récolement sera fait dans une assamblée des habitans des parroisses à la diligence des consuls de la présante année 1723. Tous lesquels habitans ainsy assamblés n'ont voulu procedder à faire ledit tableau. Lesdits remontrans pour satisfaire à ladite ordonnance et pour leur décharge ledit Claude Magaud a nommé Barthélemy Jacob d'Osfond, ledit Germain Touttel a nommé Jacmes Chambon de Longevial, et ledit Armand Maistre a nommé Annet et Simon Mosnier père et fils de Salecrus, quy est leur tour de passer en ladite charge et chacun desdits remontrans les tiennent pour bons et solvables et répondent chacun de celuy ont nommés. (Arch. dép. Puy-de-Dôme, B IS 1052)

L'assemblée des habitants refuse de procéder au récolement du tableau. Le procès-verbal n'en donne pas la raison. Les consuls, craignant sans doute les foudres de l'administration, désignent eux-mêmes leurs successeurs.
Les consuls sont chargés de répartir la somme globale à laquelle est assujettie la paroisse entre les foyers en fonction de ce que possède et de ce que gagne chacun. Un commissaire aux tailles, nommé par l'Intendant, assiste et surveille les consuls dans l'assiette de la taille. A Saint-Vert, en 1734, la répartition est faite en présence et de l'avis de [...] François Mosnier, inspecteur aux tailles de la généralité de Riom, commissaire nommé à cet effet par ordonnance de [...] l'Intendent de [la] province d'Auvergne (Arch. dép. Puy-de-Dôme, B IS 1051). Longtemps la taille est dite arbitraire dans la mesure où les consuls répartissent librement, et par conséquent souvent injustement l'impôt : les rôles de taille se présentent alors comme des listes où ne figure que le nom du contribuable et ce qu'il doit payer, sans que rien ne vienne en justifier le montant. C'est par suite de cette situation que la répartition de la taille est dénoncée comme arbitraire, à défaut de l'être avec certitude, par les administrateurs et les milieux réformateurs en général. Cette lacune n'équivaut cependant pas du tout à une répartition forcément aléatoire de l'impôt : les collecteurs peuvent en effet connaître approximativement, voire très précisément les biens de chacun, sans les coucher sur un papier. Mais au XVIIIème siècle, l'administration, dans son souci de contrôler et de rationaliser l'ensemble des opérations fiscales, ne peut plus se contenter de cette confiance à l'aveugle en des consuls qu'elle juge soumis à toutes les pressions. Elle invente la taille tarifée. Il s'agit de substituer à l'appréciation globale des facultés d'un contribuable une estimation exacte de ses différentes sources de revenu, et au caprice des collecteurs les règles immuables d'un tarif. Pour établir le rôle, chaque contribuable doit désormais détailler ses biens et ses revenus. Afin d'éviter toute dissimulation ou sous-estimation de la part des taillables, les déclarations sont rendues publiques : l'impôt étant dû solidairement, celui qui dissimule surcharge ses voisins qui ne peuvent manquer de protester. Un tarif préalablement établi permet ensuite d'imposer chacun proportionnellement à ses ressources. Les maisons, les jardins potagers, les moulins sont soumis à déclaration. Les salaires des journaliers, les revenus des artisans et des commerçants sont estimés et imposés sous la mention industrie. Pour les terres et les prés, les propriétaires faisant valoir par leurs mains paient le double de ce que paient les colons (fermiers et métayers). Ainsi, à Saint-Vert, en 1734, un propriétaire-exploitant paie 20 sols par septerée de terre et 30 sols par char de foin récolté. Un locataire paie 10 sols par septerée de terre et 15 sols par char de foin récolté. Pour les animaux, c'est la même chose. Le propriétaire d'une vache paie 30 sols, le locataire 15 sols. Le propriétaire d'une brebis paie 2 sols, le locataire 1 sol. En soumettant les déclarations foncières au tarif, on constate qu'à Saint-Vert les paysans sont pratiquement toujours propriétaires (tenanciers) des terres et des prairies qu'ils exploitent. Le fermage et le métayage sont rares. Le bail à cheptel est très peu répandu.
Dans le rôle de taille tarifée de Saint-Vert de 1734 la population de la paroisse est répartie entre les différents villages et hameaux et regroupée en feux. Chaque feu est un foyer fiscal. Le rôle indique le nom du chef de feu, son métier (journalier, laboureur, artisan, commerçant), s'il possède une maison et un jardin, l'étendue de ses terres labourables (dont la superficie est exprimée en septerée et cartonnée), le nombre de chars de foin qu'il récolte, le nombre de vaches et de brebis qu'il possède, ainsi que le montant détaillé de son imposition (Arch. dép. Puy-de-Dôme, B IS 1051).
Le rôle de taille de Saint-Vert de 1734 distingue trois types d'impôts : la taille (2100 livres), la capitation (1235 livres) et les crues (1104 livres). Les crues sont des impositions additionnelles à la taille (402 livres pour le quartier d'hiver, 18 livres pour l'habillement de la milice, 6 livres pour le bâtiment des Jésuites,...). Le montant de la capitation et des crues est La taille tarifée mise en place sous le Contrôleur général Orry apporte plus d'ordre et de justice dans la perception de l'impôt. Mais cette réforme entre en application avec lenteur. Ainsi, dans la généralité de Riom, la taille tarifée coexiste avec la taille arbitraire traditionnelle pendant plus de trente ans. Apparue en Auvergne en 1734, la taille tarifée s'étend peu à peu d'année en année. Ainsi, dans l'élection d'Issoire (qui compte environ 150 paroisses), le nombre de paroisses tarifées est de 13 en 1734 (dont Saint-Vert), 39 en 1737, 53 en 1740.
Mais au milieu du siècle, à Saint-Vert comme un peu partout ailleurs, les rôles tarifés sont remplacés par des rôles faits d'office par les commissaires des tailles. Les cotes de taille ne sont plus détaillées. On peut croire que la taille tarifée a vécu, lorsque brusquement la déclaration royale du 12 avril 1762 ordonne son application générale. La même année, l'Intendant d'Auvergne, Ballainvilliers, fait publier des instructions pour les commissaires chargés de répartir la taille par tarif dans la généralité. Il y joint des règles pour la confection des rôles, un modèle de tarif et des exemples de cotes diverses. En 1763, dans l'élection d'Issoire, on compte 69 rôles tarifés (dont celui de la paroisse de Saint-Vert) contre 84 rôles d'office. La même année, à l'échelle de la généralité, on compte 188 rôles tarifés contre 702 rôles d'office (Arch. dép. Puy-de-Dôme, C 3220).
La taille tarifée se heurte sur le terrain à de nombreuses difficultés. C'est un système complexe, difficile à mettre en oeuvre pour des consuls souvent peu instruits. C'est en outre une forme d'imposition qui coûte cher au contribuable sur qui retombent les frais de confection des rôles. La mise par écrit du détail des sources de revenu de chacun entraîne, en effet, la fabrication de rôles au moins deux à trois fois plus longs, donc plus coûteux en temps et en papier. En outre, la taille tarifée n'instaure qu'une justice fiscale assez relative car, si les plus pauvres ne peuvent guère dissimuler leurs quelques biens, connus de tous, les mieux pourvus peuvent assez facilement omettre des parcelles ou en sous-estimer la superficie en les noyant dans l'ensemble de leur déclaration. Le rôle de taille est rédigé par les consuls. Le taillable qui s'estime surtaxé peut introduire une action en surtaux devant l'élection.
Le paiement de la taille s'effectue en principe en quatre termes trimestriels égaux, l'exercice s'étendant d'octobre à octobre. Mais dans la province d'Auvergne, on recourt à l'abonnement : les consuls concluent un accord avec le receveur des tailles par lequel ils s'engagent à opérer, à des dates fixes, des versements mensuels prédéterminés et inégaux, tenant compte du rythme propre des rentrées d'argent dans leur paroisse. Chaque mois, les consuls se rendent chez les taillables avec le rôle pour recevoir les acomptes, puis font le voyage au siège de l'élection (Issoire pour Saint-Vert) afin de remettre les sommes perçues entre les mains du receveur des tailles et en obtenir quittance. Le système de l'abonnement rend la charge des consuls encore plus lourde, les obligeant à d'incessants va-et-vient. Ils sont obligés de laisser leurs affaires dans l'abandon pour parcourir la paroisse et tâcher d'arracher un argent qu'on ne leur donne jamais qu'à contre-coeur. Malgré un dédommagement financier de 6 deniers par livre du principal de la taille (soit 2,5 %) attribué aux consuls pour la confection du rôle et pour la collecte, la position de consul est assez peu enviable : elle prend beaucoup de temps, exige une grande attention et comporte des risques financiers, les consuls étant responsables du recouvrement de la taille sur leurs propres deniers.
Un épisode illustre bien la responsabilité des consuls dans la bonne perception des impôts royaux. A l'automne 1761, deux consuls de la paroisse de Saint-Vert, Jean Mestre et Jean (ou Jacques) Suchères, se trouvent, lors d'une foire de La Chaise-Dieu, en possession d'une somme de 93 livres, fruit de la vente de plusieurs animaux appartenant à des contribuables de leur paroisse, et destinée au paiement de la taille. Cet argent leur est dérobé. Le subdélégué de La Chaise-Dieu, Ollier, délivre un certificat, en date du 2 novembre 1761, garantissant l'authenticité des faits :

Nous, subdélégué de l'Intendance d'Auvergne au département de La Chaise-Dieu, certiffions que les nommés Jean Maistre et Jacques Sucher, consuls de la paroisse de Saint-Vert, élection d'Issoire, receurent le jour de la dernière foire de cette ville la somme de quatre-vingt-treize livres de différents taillables de leur paroisse pour ventes de bestiaux qui furent faite par l'huissier de cette ville du consentement des taillables, et que sur le soir de la foire le nommé Maistre, porteur de cet argent, fut volé sans que par nos soins et perquisitions on aye pu reconnoitre le voleur. Tout ce que dessus nous a été attesté par plusieurs personnes dignes de foy ce 2ème novembre 1761. Olier. (Arch. dép. Puy-de-Dôme, 1 C 3931)

Ruinés par ce vol, les deux consuls de Saint-Vert en appellent à leur seigneur, Charles-Jean-Pierre de Barentin de Montchal (1705-1763), vicomte de Lamothe et seigneur d'Auzon, afin d'intercéder en leur faveur auprès de l'Intendant d'Auvergne. Voici la lettre, datée du 11 novembre 1761, que Barentin de Montchal adresse en leur faveur à l'Intendant :

Il vient d'arriver, monsieur, un accident bien sensible à deux de mes emphitéotes habitans du village de Chalus, paroisse de Saint-Vert, élection d'Issoire, et consuls pour l'exercice de 1761 de ladite paroisse de Saint-Vert.
Je commence par avoir l'honneur de vous dire que ce sont d'honnêtes gens, je les connois pour tels depuis longtems l'un et l'autre, sans quoy je ne m'interresserois pas pour eux en cette affaire.
Ces paysans sont venus, les larmes aux yeux, se jetter à mes pieds pour me prier d'avoir l'honneur de vous exposer leur malheur et vous supplier de les retirer par quelque grâce de la misère où cet accident les jette.
Le certificat de monsieur Ollier vous donnera connoissance de la perte que les consuls ont fait, et de la vérité de la chose.
Je me suis informé de cette aventure et j'ai appris que les deux consuls se retirèrent fort tranquillement le jour de la foire de La Chaise-Dieu, il y a une douzaine de jours, dans leur auberge où ils couchèrent dans une chambre qui n'étoit occupée que par un étranger avec eux. Le ... Jean Mestre, porteur de l'argent, se réveilla vers minuit et, occupé de l'argent qu'il avoit reçu avec une autre somme qu'il avoit apportée pour payer une rente qu'il devoit à un particulier, il fouilla dans sa poche et la trouva vuide. Il fit alors un grand cry et réveilla son consors en luy disant qu'il étoit volé.
On fit lever l'étranger, on le fouilla et il ne se trouva sur luy que quarante-huit sols, et il ne parut point effrayé de la recherche. Au reste on a sçu que cet homme a bonne réputation, ainsy que l'hôte chez lequel ils étoient logés.
Ne sachant plus à qui s'en prendre et après les perquisitions faites par monsieur Ollier, subdélégué, ils en ont retiré
[un] certificat [...] et ont eu recours à leur seigneur pour qu'il voulut bien vous représenter leur triste situation qui est réellement digne de pitié. Si vous les voyiez, ils vous feroient compassion, et réellement une perte de 93 livres est bien considérable pour un paysan, surtout dans un tems aussy dur pour eux que celuy-cy.
Je n'ose vous demander la décharge entière de cette somme car je sçay combien d'objets se présentent avec justice pour vous demander des grâces, mais je vous supplie d'avoir quelque égard au malheur de ce consul porteur de l'argent, ... Jean Mestre de Chalus, et de luy accorder ce que vous pourez en décharge sur la capitation de 1761.
J'ay l'honneur de vous remercier de l'ordonnance de modération que vous avez bien voulu accorder sur 1761 pour quelques cottes inexigibles de La Motte de 1760. C'est une grande charité et bien placée. J'ay l'honneur d'être, avec respect, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur. De Montchal.
(Arch. dép. Puy-de-Dôme, 1 C 3931)

Barentin de Montchal, qui semble prendre l'affaire très à coeur, relance l'Intendant d'Auvergne une quinzaine de jours plus tard. Du château de Lamothe, où il réside, il lui envoie, le 28 novembre 1761, une nouvelle lettre dans laquelle il donne des précisions supplémentaires au sujet du vol :

Je ressens comme je le dois, monsieur, votre politesse et les égards que vous avez bien voulu avoir à ma recommandation en faveur de ... Bourleyre, il est certain qu'il le mérite et qu'il est un très bon sujet digne des grâces que vous luy faites, et assurément elles sont considérables, mais elles ne peuvent être mieux placées, vous le penserez comme moy lorsque vous sçaurez sa façon de penser qui m'a charmée. [...]
Il me paroit par la lettre dont vous m'honorez que je dois vous rappeller la prière que je vous avois faite en faveur du ... Jean Mestre, habitant du village de Chalus, parroisse de Saint-Vert, élection d'Issoire, consul de la parroisse pour 1761.
Voiez son aventure en précis un peu étendu :
Ce consul avec Jean Suchères son consort étoient à la dernière foire de La Chaise-Dieu et avoient fait vendre des effets de quelques particuliers pour leurs impositions, ils avoient reçu 92 livres, dont Jean Mestre étoit chargé, provenans desdites exécutions et destinés au payement de la taille. Il avoit, outre cela, une somme d'argent qui luy appartenoit pour faire un payement personnel. Les deux consuls cherchèrent un gîte où il y eut peu de monde et se retirèrent de bonne heure. On mit un autre particulier dans leur chambre.
Vers minuit, Jean Mestre, occupé de l'argent qu'il avoit, fouilla dans sa poche où il ne trouva plus rien. Il éveilla ses compagnons, on fit venir de la lumière, ils se fouillèrent tous. L'étranger qui étoit dans leur chambre n'avoit que deux pièces de vingt-quatre sols, d'ailleurs c'est un homme connu pour honnête homme.
Monsieur Ollier, votre subdélégué, averty de cet accident, fit toutes les perquisitions possibles et ne put jamais rien découvrir. Il m'en avoit envoyé le certificat que j'avois eu l'honneur de vous addresser avec ma lettre le 11ème de ce mois.
Les pauvres consuls, qui sont mes emphitéotes et gens d'une probité reconnue, eurent recours à moy et me fendirent le coeur par leurs larmes en me priant de vous demander quelque grâce. Ce Mestre seroit ruiné s'il étoit obligé de supporter cette perte, d'autant plus qu'il a perdu en même tems une somme assez forte qui étoit à luy et qu'il a eu le malheur de perdre depuis peu un beuf, le tout ensemble le jetteroit dans la misère. Je vous suppliois, si cela vous étoit possible, d'avoir quelqu'égard à ses malheurs. Il m'a paru de la justice de m'interresser pour luy, cet homme surtout étant de ma terre et un bon sujet que je connois pour tel depuis longtems et dont la réputation est bien établie.
Si vous souhaitez un nouveau certificat de monsieur Ollier, je luy écriray pour le prier de m'en envoyer un duplicata. Je n'avois pas voulu avoir l'honneur de vous écrire sur cette affaire sans m'être fait bien assurer de la vérité par le témoignage de monsieur Ollier.
J'ay l'honneur d'être, avec un très respectueux attachement, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur. De Montchal.
[...] (Arch. dép. Puy-de-Dôme, 1 C 3931)

Barentin de Montchal défend les deux consuls avec ténacité, multipliant les arguments. Il répond de leur honnêteté et exhorte l'Intendant à la clémence. On ne sait pas quelles ont été les suites de cette affaire. Elle montre bien cependant la responsabilité des collecteurs de la taille et l'importance accordée par l'Etat à la bonne rentrée des impôts royaux.





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