les paysans à Saint-Vert sous l'Ancien Régime
à travers le rôle de taille de 1734

Frédéric Challet


La taille est un impôt royal portant sur les biens et les revenus des Français. Dans chaque paroisse, les consuls sont chargés de répartir une somme globale (2100 livres pour Saint-Vert en 1734) entre les foyers en fonction de ce que possède et de ce que gagne chacun. Longtemps la taille est dite arbitraire dans la mesure où les consuls répartissent librement, et par conséquent souvent injustement, l'impôt. Au XVIIIème siècle est inventée la taille tarifée. Désormais le rôle de taille doit mentionner, dans le détail, les biens (maison, jardin, terres, prairies, vaches, moutons) et revenus de chaque famille. Un tarif préalablement établi permet ensuite d'imposer chacun proportionnellement à ses ressources. A Saint-Vert, en 1734, un propriétaire-exploitant paie 20 sols par septerée de terre, 30 sols par char de foin récolté, 30 sols pour une vache et 2 sols pour une brebis. Pour établir le rôle, chaque contribuable doit détailler ses biens et ses revenus. Afin d'éviter toute dissimulation ou sous-estimation de la part des contribuables, les déclarations sont rendues publiques : l'impôt étant dû solidairement, celui qui dissimule surcharge ses voisins qui ne peuvent manquer de protester. Un rôle de taille tarifée permet de dresser le tableau socio-économique d'une paroisse.
Le rôle de taille tarifée de la paroisse de Saint-Vert de 1734 (conservé aux archives départementales du Puy-de-Dôme sous la cote B IS 1051) est complet et très détaillé. Il montre que la population est presque exclusivement composée de paysans. Les artisans (quatre tisserands, deux sabotiers, un maréchal-ferrant, un tailleur d'habits et plusieurs meuniers) et les commerçants (deux cabaretiers) semblent peu nombreux et sont le plus souvent aussi des paysans. La pluriactivité est largement répandue. Ainsi, Jean Chalet qui est tisserand au Fiou exploite 2 septerées (1 hectare 37 ares) de terre et récolte chaque année un char de foin. En revanche, Antoine Beylliot qui est tailleur d'habits à Saint-Vert n'exploite aucune terre et n'a pas non plus de jardin.
Sous l'Ancien Régime, la terre appartient aux seigneurs (laïcs ou ecclésiastiques). Le paysan tenancier paie un loyer annuel (le cens) au seigneur pour la location perpétuelle de sa terre (on parle de bail à cens). Le paysan peut léguer sa terre, la louer, l'échanger, la vendre à condition que l'acquéreur verse au seigneur des droits de mutation (lods et ventes). Même s'il se sent et se dit propriétaire des terres qu'il exploite, le paysan n'est qu'un locataire, un tenancier. Le seigneur est propriétaire éminent de la terre, le paysan propriétaire incomplet.
Les paysans se divisent en deux groupes : les laboureurs et les journaliers. La paroisse de Saint-Vert compte 45 laboureurs en 1734. Ce sont les paysans les plus favorisés, ils possèdent en principe une paire de vaches ou de boeufs pour labourer, ainsi qu'une charrue ou une araire. Les mieux lotis possèdent suffisamment de terre (tenures) pour assurer l'indépendance économique de leur ménage. Guillaume Estève, à Pot, laboure avec une paire de boeufs, il possède 24 septerées (16 hectares 41 ares) de terre et récolte 8,5 chars de foin par an, il a en outre 6 vaches et 50 brebis. Mais le laboureur n'est pas toujours un gros paysan. Ainsi, Benoit Magaud, à Chalus, qui laboure avec une paire de vaches, ne possède que 2 septerées (1 hectare 37 ares) de terre et ne récolte qu'un char de foin par an. En deçà d'un certain niveau de propriété, le paysan ne peut pas vivre entièrement de sa terre. Ou bien il prend d'autres terres en exploitation en fermage ou métayage, ou bien il fait le journalier. Les plus gros propriétaires de la paroisse ont en effet besoin de main-d'oeuvre.
Les journaliers sont des ouvriers agricoles, ils sont employés à la journée. Le rôle de taille de Saint-Vert recense 42 journaliers en 1734. Parmi eux, 2 ne possèdent rien d'autre que la force de leurs bras, 8 sont propriétaires de leur maison et 5 de leur maison et d'un jardin. C'est le cas de Jacques Besseyre, à Saint-Vert, qui déclare n'avoir qu'une maison et un jardin potager. Enfin, 27 journaliers, soit le plus grand nombre, possèdent aussi quelques terres (tenures), tel Benoît Morel, à Longevialle, qui possède 2 septerées (1 hectare 37 ares) de terre et récolte un char de foin par an, insuffisant pour faire vivre une famille.

En 1734, dans la paroisse de Saint-Vert, peu de paysans sont absolument sans terre (sans tenure). Sur 104 foyers paysans, 15 seulement n'ont aucune terre, 51 possèdent moins de 3 hectares de terre, 25 possèdent entre 3 et 6 hectares de terre et 13 possèdent plus de 6 hectares de terre. On le voit, la toute petite propriété et la petite propriété dominent. Le finage paroissial est très morcelé et la propriété souvent divisée en un grand nombre de parcelles. Les champs portent essentiellement du seigle et de l'avoine. Le seigle, céréale panifiable, est la base de l'alimentation paysanne. Pratiquement chaque famille (85 sur 104) possède en outre son jardin potager où sont cultivés des légumes.
Le rôle de taille de 1734 dissocie bien terres labourables et prairies. La superficie des terres labourables est exprimée en septerée et cartonnée. L'unité de mesure traditionnellement utilisée pour les prés est le journal. Un journal correspond à la quantité de pré qu'un homme peut faucher en une journée de travail. Un journal correspond en outre à un char de foin. Le char de foin, qu'il ne faut pas confondre avec le barrot, dispose de quatre roues.

Sur 104 foyers paysans recensés dans le rôle de taille de Saint-Vert de 1734, 3 seulement exploitent comme colons des prés qui ne leur appartiennent pas. Les autres sont propriétaires (tenanciers) des prés qu'ils exploitent (83 cas), ou n'exploitent aucun pré et ne récoltent donc pas de foin (18 cas). Parmi les paysans qui fanent, on remarque qu'une écrasante majorité (68 sur 86) récoltent entre un quart de char de foin et trois chars de foin.
Les terres cultivées occupent la majeure partie des terres mises en valeur, au détriment des prairies et par conséquent de l'élevage. Il y a donc peu de fumure, d'où des rendements faibles et la nécessité de recourir à la jachère.

En 1734, dans la paroisse de Saint-Vert, sur 104 foyers paysans, 5 élèvent des vaches qui ne leur appartiennent pas selon le principe du bail à cheptel. Le paysan loue, pour une durée allant généralement de un à six ans, des animaux (ici des vaches) qu'il s'engage à nourrir et à rendre à leur propriétaire à la fin du bail. Le croît et le profit sont partagés entre le propriétaire et le locataire. Le bail à cheptel dissimule souvent une dette : le paysan endetté vend ses bêtes mais conclut avec l'acheteur un contrat qui lui permet d'en conserver la jouissance.
On remarque que 40 paysans ne possèdent ni n'élèvent aucune vache. Les autres (59 paysans) élèvent des vaches dont ils sont propriétaires. La plupart des éleveurs ont 2 vaches (44 cas sur 64). Seuls 7 éleveurs disposent de 4 vaches ou plus. Ainsi, Martin Mazal et son gendre, Jacques Saugues, possèdent 14 septerées 4 cartonnées (environ 10 hectares) de terre, récoltent 6 chars de foin par an et ont 5 vaches, 2 taureaux et 20 brebis.

En 1734, dans la paroisse de Saint-Vert, sur 104 foyers paysans, 3 seulement élèvent des brebis qui ne leur appartiennent pas selon le principe du bail à cheptel, 63 paysans ne possèdent et n'élèvent aucune brebis et 38 paysans élèvent des brebis dont ils sont propriétaires. La plupart des éleveurs ont entre 2 et 15 brebis (33 cas sur 41).
Le droit de vaine pâture autorise les paysans à faire paître leurs animaux dans les bois, ainsi que sur les terres et dans les prés d'autrui, une fois les récoltes enlevées. La vaine pâture et les communaux permettent à de très modestes paysans d'avoir quelques bêtes.

On le voit, l'inégalité est le trait dominant. Certains paysans vivent misérablement, d'autres possèdent des exploitations de taille convenable. La plupart ont à peine de quoi vivre et leur situation dépend étroitement des aléas climatiques qui conditionnent les bonnes et les mauvaises récoltes. Avec l'augmentation de la population, au cours du XVIIIème siècle, l'émigration temporaire et saisonnière se généralise, d'autant que la pression fiscale de l'Etat ne fait que s'accentuer. Les paysans sont soumis à de nombreux impôts qui les privent d'une bonne partie du fruit de leur travail : des impôts royaux (taille, capitation, dixième, vingtième), des impôts seigneuriaux (cens, lods et ventes, champart, banalités), sans oublier la dîme due à l'Eglise.





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